INTERVIEW - La crise remet en question nos réflexes, nos habitudes, notre rapport à l'argent. Le moine bouddhiste Matthieu Ricard, photographe et traducteur du dalaï-lama, qui vit dans le monastère de Shéchèn, au Népal, analyse les leçons que nous pouvons en tirer. Propos recueillis par Michel Pascal, auteur du livre Notre crise est une chance - l'éthique de l'argent...
Michel Pascal: Cette crise est-elle une chance?
Matthieu Ricard: En tout cas, c’est une opportunité! Non pour revenir le plus vite possible au système d’avant, qui est fondamentalement dysfonctionnel. Mais plutôt pour changer nos priorités, notre façon d’aborder la vie et les questions financières. Gandhi a dit: «Il y suffisamment pour les besoins de tous, mais pas assez pour l’avidité de tous.» Tout vient du Produit Intérieur Brut (PIB) qui a été instauré en 1930, suite à la crise de 1929, pour stabiliser le chômage. Au début, la civilisation industrielle, scientifique, technologique avait pour but d’améliorer la qualité de l’existence. L’espérance de vie est passée de 40 à 80 ans, on a eu accès plus facilement à l’éducation, etc. Mais, dans les années 1930, le PIB s’est mis à indiquer la prospérité générale d’une nation, y compris la satisfaction de vie, ce qui n’avait aucun sens. Maintenant, quand ce genre d’indicateur baisse, tout le monde panique car on considère cela comme un échec.
M. P.: Mais le bien-être est capital!
M. R.: Justement. Il suffirait de garder l’idée que tout ce que nous faisons vise au mieux-être de chacun. Les gouvernements doivent investir dans le bien-être. Si, pour améliorer cette qualité de vie, il fallait sacrifier un peu du Produit National Brut (PNB) et autres critères purement économiques, on ne percevrait pas cela comme un échec. Au lieu de s’intéresser aux taux d’inflation dans l’Union européenne, on pourrait parler, par exemple, d’écart à ne pas dépasser entre les riches et les pauvres ou d’égalité entre les hommes et les femmes au travail. Cela serait beaucoup plus sain! On a vu ce qu’a donné la course au profit! Si on réfléchit aux solutions possibles, on s’aperçoit que le seul et unique facteur qui fait le lien est l’altruisme.
M. P.: C’est-à-dire?
M. R.: Il faut faire le lien entre les échelles de temps différentes. Or l’économie en possède une très brève. L’altruisme éviterait que l’on ne récolte les économies de Monsieur Tout-le-Monde, et que l’on ne s’en serve comme au casino! À moyen terme, l’altruisme améliore la qualité de vie. Et se répercute sur des générations, une famille, un travail. L’altruisme au travail éviterait cette précipitation de l’économie qui induit une baisse de la qualité de vie. Une entreprise ne peut pas faire des bénéfices sans humanité! D’ailleurs, les salariés qui se sentent mieux dans leur entreprise sont plus motivés. L’altruisme prend aussi en compte les générations futures en pensant à leur bien-être. Sans cette attention aux autres, les gens ont l’impression qu’ils sacrifient leur vie au seul profit de leur entreprise! La crise nous permet de nous rendre compte que nous sommes sans cesse obsédés par le court terme.
M. P.: Peut-on imaginer une notion de profit altruiste?
M. R. : Des statistiques de l’université des Nations unies ont montré qu’un quart de la richesse mondiale est dans les mains de 1 % de la population. Que fait-on du surplus d’argent? On l’investit souvent dans des choses inutiles pour la société. Dans les années 1970, quand j’étais en Inde, je vivais très bien avec 30 euros par mois! Aujourd’hui, je reverse 100% de mes droits d’auteur car je n’en ai pas besoin. Vouloir toujours plus ne fonctionne pas. Le dalaï-lama a dit que «Même si on avait le monde entier entre nos mains, on ne serait pas satisfait».
M. P.: Donc, toute la question, c’est de changer notre rapport à l’argent.
M. R.: Oui, et dans l’idéal de changer complètement! On ne peut pas transformer uniquement notre rapport à l’argent. Le bonheur véritable se trouve dans les qualités humaines, telles que l’altruisme, la sérénité intérieure, la liberté intérieure, la compassion. Sans cela, on peut vivre dans un petit paradis en étant déprimé et, à l’inverse, être satisfait même si les conditions extérieures ont l’air déplaisantes.
M. P.: On est un chef d’entreprise face à un plan social, on est au chômage, notre carte bleue est bloquée. Quelle attitude adopter?
M. R.: Évidemment, il existe des cas tragiques et pas de solutions miracles, car nous vivons dans un système qui provoque ces drames. C’est peu à peu qu’il faut changer de cap, repenser la manière dont nous fonctionnons sur le court terme, revoir nos priorités. Les études du psychologue américain Tim Kasser, qui ont porté sur plusieurs dizaines de milliers de personnes durant vingt ans, ont montré que les gros consommateurs sont, en moyenne, moins heureux que les autres, ont moins d’amis et sont moins concernés par les questions globales, celle de l’environnement en particulier. La «simplicité volontaire» serait donc la meilleure solution. Cette crise ne semble pas avoir suffi à faire changer les mentalités, mais les signaux d’alarme continuent de se multiplier.
Michel Pascal: Cette crise est-elle une chance?
Matthieu Ricard: En tout cas, c’est une opportunité! Non pour revenir le plus vite possible au système d’avant, qui est fondamentalement dysfonctionnel. Mais plutôt pour changer nos priorités, notre façon d’aborder la vie et les questions financières. Gandhi a dit: «Il y suffisamment pour les besoins de tous, mais pas assez pour l’avidité de tous.» Tout vient du Produit Intérieur Brut (PIB) qui a été instauré en 1930, suite à la crise de 1929, pour stabiliser le chômage. Au début, la civilisation industrielle, scientifique, technologique avait pour but d’améliorer la qualité de l’existence. L’espérance de vie est passée de 40 à 80 ans, on a eu accès plus facilement à l’éducation, etc. Mais, dans les années 1930, le PIB s’est mis à indiquer la prospérité générale d’une nation, y compris la satisfaction de vie, ce qui n’avait aucun sens. Maintenant, quand ce genre d’indicateur baisse, tout le monde panique car on considère cela comme un échec.
M. P.: Mais le bien-être est capital!
M. R.: Justement. Il suffirait de garder l’idée que tout ce que nous faisons vise au mieux-être de chacun. Les gouvernements doivent investir dans le bien-être. Si, pour améliorer cette qualité de vie, il fallait sacrifier un peu du Produit National Brut (PNB) et autres critères purement économiques, on ne percevrait pas cela comme un échec. Au lieu de s’intéresser aux taux d’inflation dans l’Union européenne, on pourrait parler, par exemple, d’écart à ne pas dépasser entre les riches et les pauvres ou d’égalité entre les hommes et les femmes au travail. Cela serait beaucoup plus sain! On a vu ce qu’a donné la course au profit! Si on réfléchit aux solutions possibles, on s’aperçoit que le seul et unique facteur qui fait le lien est l’altruisme.
M. P.: C’est-à-dire?
M. R.: Il faut faire le lien entre les échelles de temps différentes. Or l’économie en possède une très brève. L’altruisme éviterait que l’on ne récolte les économies de Monsieur Tout-le-Monde, et que l’on ne s’en serve comme au casino! À moyen terme, l’altruisme améliore la qualité de vie. Et se répercute sur des générations, une famille, un travail. L’altruisme au travail éviterait cette précipitation de l’économie qui induit une baisse de la qualité de vie. Une entreprise ne peut pas faire des bénéfices sans humanité! D’ailleurs, les salariés qui se sentent mieux dans leur entreprise sont plus motivés. L’altruisme prend aussi en compte les générations futures en pensant à leur bien-être. Sans cette attention aux autres, les gens ont l’impression qu’ils sacrifient leur vie au seul profit de leur entreprise! La crise nous permet de nous rendre compte que nous sommes sans cesse obsédés par le court terme.
M. P.: Peut-on imaginer une notion de profit altruiste?
M. R. : Des statistiques de l’université des Nations unies ont montré qu’un quart de la richesse mondiale est dans les mains de 1 % de la population. Que fait-on du surplus d’argent? On l’investit souvent dans des choses inutiles pour la société. Dans les années 1970, quand j’étais en Inde, je vivais très bien avec 30 euros par mois! Aujourd’hui, je reverse 100% de mes droits d’auteur car je n’en ai pas besoin. Vouloir toujours plus ne fonctionne pas. Le dalaï-lama a dit que «Même si on avait le monde entier entre nos mains, on ne serait pas satisfait».
M. P.: Donc, toute la question, c’est de changer notre rapport à l’argent.
M. R.: Oui, et dans l’idéal de changer complètement! On ne peut pas transformer uniquement notre rapport à l’argent. Le bonheur véritable se trouve dans les qualités humaines, telles que l’altruisme, la sérénité intérieure, la liberté intérieure, la compassion. Sans cela, on peut vivre dans un petit paradis en étant déprimé et, à l’inverse, être satisfait même si les conditions extérieures ont l’air déplaisantes.
M. P.: On est un chef d’entreprise face à un plan social, on est au chômage, notre carte bleue est bloquée. Quelle attitude adopter?
M. R.: Évidemment, il existe des cas tragiques et pas de solutions miracles, car nous vivons dans un système qui provoque ces drames. C’est peu à peu qu’il faut changer de cap, repenser la manière dont nous fonctionnons sur le court terme, revoir nos priorités. Les études du psychologue américain Tim Kasser, qui ont porté sur plusieurs dizaines de milliers de personnes durant vingt ans, ont montré que les gros consommateurs sont, en moyenne, moins heureux que les autres, ont moins d’amis et sont moins concernés par les questions globales, celle de l’environnement en particulier. La «simplicité volontaire» serait donc la meilleure solution. Cette crise ne semble pas avoir suffi à faire changer les mentalités, mais les signaux d’alarme continuent de se multiplier.
Sam 23 Mar 2024, 11:38 par Nidjam
» Bouddhisme vajrayāna : Instructions sur le Mahāmudrā
Ven 22 Mar 2024, 15:02 par Nidjam
» Méditation : Qu'est ce que l'esprit sans réfèrence ?
Ven 22 Mar 2024, 14:11 par Nidjam
» Les problèmes de la méditation de pleine conscience
Lun 18 Mar 2024, 10:27 par heyopibe
» Les voeux de Bodhisattva
Dim 17 Mar 2024, 11:43 par Mila
» Des arbres , pour l'Arbre .
Dim 17 Mar 2024, 11:35 par Mila
» Bouddha n'était pas non violent...
Jeu 14 Mar 2024, 01:02 par Pieru
» Lankavatara Sutra ----------------------------------------------------
Lun 11 Mar 2024, 13:52 par heyopibe
» Mauvaise compréhension - besoin d'explication
Ven 08 Mar 2024, 18:51 par Nidjam
» Bonjour à tous de la part de Pieru
Jeu 07 Mar 2024, 13:53 par Pieru
» Le Discours entre un Roi et un Moine : Les Questions de Milinda
Ven 01 Mar 2024, 13:23 par Nidjam
» Le Bonheur est déjà là , par Gyalwang Drukpa Rimpoché
Jeu 29 Fév 2024, 18:39 par Nidjam
» Une pratique toute simple : visualisez que tout le monde est guéri ....
Jeu 29 Fév 2024, 18:06 par Nidjam
» Drapeaux de prière - l'aspiration à un bien-être universel
Jeu 29 Fév 2024, 17:30 par Puntsok Norling
» Déterminisme: Le Choix est-il une illusion ?
Jeu 29 Fév 2024, 17:28 par Nidjam
» Initiations par H.E. Ling Rimpoché
Ven 23 Fév 2024, 08:54 par Mila
» Jour de ROUE important dans le calendrier Bouddhiste
Ven 23 Fév 2024, 08:42 par Mila
» Bonne année Dragon de Bois à toutes et à tous
Sam 10 Fév 2024, 23:02 par Karma Trindal
» Bouddhisme/-Science de l'esprit : Identité et non-identité
Ven 09 Fév 2024, 12:56 par heyopibe
» Déclaration commune concernant la réincarnation de Kunzig Shamar Rinpoché
Lun 05 Fév 2024, 12:16 par Nangpa
» Les souhaits de Maitreya , par le 12e Kenting Taï Situ Rimpoché
Lun 05 Fév 2024, 09:28 par heyopibe
» L'Interdépendance selon les enseignements du Lamrim
Lun 05 Fév 2024, 09:27 par heyopibe
» Amitābha: Le Grand Soutra de la Vie Infinie
Lun 29 Jan 2024, 22:53 par Disciple laïc
» Qu'est-ce que l'essence de la voie du Dharma ?
Mar 09 Jan 2024, 19:52 par Puntsok Norling
» Quelles sont les règles respectées dans les temples bouddhistes tibétain
Ven 05 Jan 2024, 10:48 par Nangpa
» Toute l'équipe de L'Arbre des Refuges vous souhaite ses Meilleurs Voeux pour 2024!
Mer 03 Jan 2024, 12:14 par Nutts
» Le Singe
Sam 30 Déc 2023, 21:38 par Karma Trindal
» Le Buffle
Ven 29 Déc 2023, 23:24 par petit_caillou
» Le Tigre
Ven 29 Déc 2023, 23:21 par petit_caillou
» Le Lapin (ou Chat)
Ven 29 Déc 2023, 23:18 par petit_caillou
» Le Coq
Ven 29 Déc 2023, 23:15 par petit_caillou
» La Chèvre (ou Mouton)
Ven 29 Déc 2023, 23:12 par petit_caillou
» Le Dragon
Lun 25 Déc 2023, 14:14 par petit_caillou
» Le Serpent
Lun 25 Déc 2023, 14:09 par petit_caillou
» Le Cochon
Lun 25 Déc 2023, 13:59 par petit_caillou
» L'année du Dragon de bois 2024
Sam 23 Déc 2023, 00:04 par petit_caillou
» Le Cheval
Ven 22 Déc 2023, 23:59 par petit_caillou
» Le Chien
Ven 22 Déc 2023, 23:54 par petit_caillou
» Le Rat
Ven 22 Déc 2023, 23:48 par petit_caillou
» L'Eco Dharma .................................................
Lun 27 Nov 2023, 15:28 par heyopibe
» Shantideva: Bodhicaryâvatâra
Sam 11 Nov 2023, 16:25 par Admin
» J'irai dormir chez vous (émission TV)
Ven 10 Nov 2023, 19:35 par Disciple laïc
» Dharma Appliqué: Présentation de la rubrique
Jeu 09 Nov 2023, 16:21 par Mila
» Le Bonheur National Brut
Jeu 09 Nov 2023, 11:34 par heyopibe
» Le champ d'application ...................................
Jeu 09 Nov 2023, 11:02 par heyopibe
» Bonne Nouvelle chrétienne et Bonne Nouvelle bouddhiste
Mer 08 Nov 2023, 23:07 par Ortho
» Les Quatre Nobles Vérités -------------------------------------
Mer 08 Nov 2023, 11:40 par heyopibe
» Sages paroles de Kandro Rimoché .
Mar 07 Nov 2023, 19:58 par Mila
» Tout ce qu'on sait sur la mort - Dialogue avec Stéphane Allix
Lun 06 Nov 2023, 19:26 par Nangpa
» Une annonce tardive ....Au Revoir , Léa ...
Jeu 02 Nov 2023, 12:55 par Mila
» Les 6 aspects de la Perception Correcte
Mer 01 Nov 2023, 12:37 par heyopibe
» Un milliardaire donne tout aux bonnes œuvres
Mer 01 Nov 2023, 10:25 par heyopibe
» Se préparer à la mort, conférence Louvain La Neuve
Lun 30 Oct 2023, 17:37 par Pema Gyaltshen
» Colloques Bardos Louvain La Neuve
Lun 30 Oct 2023, 17:34 par Pema Gyaltshen
» Quatorze versets sur la méditation
Lun 30 Oct 2023, 14:45 par Ortho
» KANNON, Bodhisattva de la compassion
Dim 29 Oct 2023, 14:06 par Mila
» La situation internationale et le Moyen-Orient
Dim 29 Oct 2023, 08:54 par Disciple laïc
» Chaine You Tube recommandée positive : The Dodo
Sam 28 Oct 2023, 22:33 par Disciple laïc
» ASBL L'Arbre des Refuges: Présentation du Projet
Lun 23 Oct 2023, 19:43 par Karma Trindal
» Boîte aux lettres " Besoin de prières"
Lun 23 Oct 2023, 19:28 par Karma Trindal
» Décès du Lama TEUNSANG après avoir traversé des mois de maladie.
Lun 23 Oct 2023, 19:23 par Karma Trindal
» Que sont nos amis devenus ?
Lun 23 Oct 2023, 19:20 par Karma Trindal
» Rencontres avec le Bouddha à travers les Udana
Dim 15 Oct 2023, 21:35 par Disciple laïc
» Découvrez les Bienfaits du Bouddhisme Tibétain pour une Vie Équilibrée
Sam 07 Oct 2023, 15:27 par Mila
» Deux conférences à propos de Karmapakshi
Ven 06 Oct 2023, 23:17 par Mila
» Rituel annuel, Drouptcheu de Karmapakshi , à Bruxelles
Ven 06 Oct 2023, 22:50 par Mila
» La Bonne nouvelle du Salut
Lun 02 Oct 2023, 08:03 par Disciple laïc
» On nait mis en boîte ! .....................
Dim 01 Oct 2023, 17:55 par Disciple laïc
» Médecines d'Asie - l'Art de l'équilibre 1ère et 2ème partie
Lun 18 Sep 2023, 10:52 par Mila
» Les derniers jours de Muhammad (et 3 autres ouvrage)
Jeu 14 Sep 2023, 22:31 par Disciple laïc
» Le bouddhisme face au monde contemporain
Jeu 14 Sep 2023, 22:23 par Disciple laïc
» Étudier "Le Chemin de la Grande Perfection"
Dim 03 Sep 2023, 18:50 par Puntsok Norling
» Méditation bouddhiste à Bruxelles
Ven 01 Sep 2023, 12:12 par Puntsok Norling
» XXIIe festival du Tibet et de l'Himalaya
Jeu 31 Aoû 2023, 12:56 par Mila
» Au Musée Guimet , Exposition " Les médecines d'Asie " jusqu'au 18 septembre 2023
Ven 25 Aoû 2023, 13:26 par Mila