Matthieu Ricard: "Et si on apprenait à méditer?"
Au dernier moment, il n'a pas hésité à avancer le rendez-vous, nous accordant une demi-heure supplémentaire avant de s'échapper pour aller au Medef donner une conférence. Matthieu Ricard, 62 ans dont plus de trente-cinq sur les hauteurs de l'Himalaya, est toujours heureux de parler. Aux Occidentaux de plus en plus nombreux à entendre le message du bouddhisme (5 millions de sympathisants en France), mais surtout à ceux a priori loin des préoccupations spirituelles. A 8 h 30, il est donc fin prêt: ordinateur et téléphone portable d'un côté, théière brûlante de l'autre, le sourire aux lèvres et le corps drapé de cette robe pourpre et safran de moine tibétain qui enflamme l'oeil au premier abord et qu'on finit par oublier.
Dans L'Art de la méditation (NiL) , vous prétendez qu'il n'est pas nécessaire d'être bouddhiste pour méditer.
Bien sûr que non. Nous en sommes tous capables! Les racines orientales du mot signifient d'ailleurs "cultiver". Méditer, c'est cultiver son esprit, l'aider à avoir une vision plus juste de la réalité, se familiariser avec la tolérance, l'altruisme, la tendresse, qualités dont nous avons tous le potentiel, mais que nous ne déployons que par instants fugaces.
A vous lire, il s'agirait d'exercer son esprit comme on exerce son corps...
C'est ça. On produit des efforts considérables pour apprendre les échecs, le ski, la musique. C'est très bien. Mais les qualités humaines aussi nécessitent un travail. Restons sur la musique: s'il s'exerce, un pianiste peut jouer du Mozart à tout moment. Eh bien, entraîné de manière régulière et sérieuse, un esprit peut, de la même manière, se montrer généreux de façon très spontanée.
Un pianiste ne devient pas virtuose en un jour. Combien de temps faut-il pour bien savoir méditer?
Ah... C'est une question que l'on me pose souvent en Occident, juste après "comment s'y prend-on?". Tout le monde n'a pas la chance de vivre dans l'Himalaya ou de côtoyer des grands maîtres spirituels comme j'en ai le privilège. Le meilleur conseil que je puisse donner aux débutants, surtout ici, où l'on vit à cent à l'heure, c'est de commencer par s'asseoir une demi-heure. [Rires.] Réfléchir au fonctionnement de son esprit, aux qualités que j'ai citées tout à l'heure, constitue un excellent point de départ.
Autre question très "occidentale": combien de temps avant les premiers résultats?
Mais très peu! Les recherches auxquelles je participe depuis une dizaine d'années ont montré qu'entre vingt et trente minutes de méditation par jour pendant quatre à huit semaines suffisent pour qu'apparaissent des premiers effets positifs sur la santé, notamment sur la pression artérielle, l'anxiété, la tendance à la dépression et le système immunitaire. Imaginez quand on pratique depuis quarante ans... Le message scientifique commence d'ailleurs à passer. 200 hôpitaux américains appliquent aujourd'hui le MBSR (mindful based stress reduction), un programme inventé il y a près de trente ans par Jon Kabat-Zinn, un spécialiste de biologie moléculaire, qui vise à réduire le stress chez des patients atteints de graves maladies. Et les résultats sont remarquables. Même s'il ne s'agit bien sûr pas d'assimiler la méditation à une cure miracle.
La France est-elle prête à réconcilier science et spiritualité?
Elle y vient doucement. Il y a dix ans, quand on évoquait les vertus de la méditation dans les cercles scientifiques, tout le monde rigolait. Aujourd'hui, on s'accorde à penser qu'une neuroscience contemplative existe et qu'elle reste à explorer. C'est une période très excitante pour la science.
Vous évoquez certains effets sur le cerveau. Expliquez-nous.
William James, génial fondateur de la psychologie moderne, au xixe siècle, a découvert que l'homme était incapable de maintenir son attention sur un objet plus de quelques secondes. On sait aujourd'hui que des personnes entraînées à la méditation sont capables de se focaliser durant quarante-cinq minutes, sans être fatiguées, et en gardant un temps de réponse extrêmement rapide. Que je sache, il n'est pas nécessaire d'être contrôleur aérien pour avoir besoin de se concentrer! D'ailleurs, certaines écoles primaires françaises ont introduit avec succès un "entraînement à l'attention" dans leur programme. Il existe aussi des stages de méditation pour les professeurs.
Vous êtes le principal ambassadeur du bouddhisme en Occident. Quel est le cliché le plus fréquent que vous entendez autour de la méditation?
Il y en a beaucoup! Le plus commun voudrait que sa pratique se résume à un relâchement général, un grand vide de l'esprit. Mais méditer n'est pas somnoler. Faire un grand ménage sans rien mettre de neuf dans la maison n'aurait aucun sens.
Ce grand ménage vise à se débarrasser de la colère, l'obsession, de la jalousie. Mais ces toxines de l'esprit, comme vous les appelez, ne constituent-elles pas le sel de notre vie?
Essayez de vous en débarrasser, vous verrez que la vie n'est pas fade et que l'on ne se transforme pas en légume pour autant, bien au contraire. Regardez le dalaï-lama! Et puis il existe des nuances dans les émotions. Prenons la colère. La colère malveillante n'a aucun intérêt. Elle détruit notre bonheur et celui des autres. L'indignation, en revanche, peut procéder d'une démarche altruiste et conduire à la paix intérieure. On peut être indigné par un massacre, une injustice, et être poussé à agir pour se libérer de ce tourment.
Face à la timidité de la France sur la question du Tibet, vous ne ressentez ainsi absolument aucune colère?
Disons qu'il m'arrive d'être agacé mais que j'essaie d'être philosophe! [Rires.] Les jeux de la diplomatie me font un peu perdre ma naïveté. Mais je garde confiance. Nous sommes sur le bon chemin.
Vous souvenez-vous de votre toute première expérience méditative?
Comment pourrais-je l'oublier? Elle remonte précisément à juin 1967 et à mon arrivée à Darjeeling. J'ai eu la chance de rencontrer le maître Kangyour Rinpoché auprès duquel je suis resté durant trois semaines. C'était une découverte éblouissante. J'avais l'impression d'être un enfant propulsé dans un monde merveilleux.
Sans ce voyage à Darjeeling, votre destin aurait été bien différent...
Sans doute, oui. Peut-être aurais-je découvert le bouddhisme un peu plus tard. Peut-être travaillerais-je aujourd'hui dans un laboratoire de recherche aux Etats-Unis ou en tant que médecin en France. Tout est possible... Ce qui est sûr, c'est que pas un jour ne passe sans que je sois heureux de ma vie.
Entre vos conférences, vos activités humanitaires et votre collaboration avec le dalaï-lama, cette vie vous laisse pourtant peu de temps libre. Vous arrive-t-il de sécher vos séances de méditation?
[Sourires] Je l'avoue, quand les horaires sont trop durs, il m'arrive de faire relâche... Ces vingt derniers jours, j'ai passé trente-cinq heures dans les avions. La fatigue finit par prendre le pas. Mais je compense en m'échappant le plus souvent possible dans mon ermitage de 2,50 mètres sur 2,90. Chaque fois que je m'y trouve, seul face aux 400 kilomètres de montagnes de l'Himalaya, je me dis que la vraie vie est là.
Au dernier moment, il n'a pas hésité à avancer le rendez-vous, nous accordant une demi-heure supplémentaire avant de s'échapper pour aller au Medef donner une conférence. Matthieu Ricard, 62 ans dont plus de trente-cinq sur les hauteurs de l'Himalaya, est toujours heureux de parler. Aux Occidentaux de plus en plus nombreux à entendre le message du bouddhisme (5 millions de sympathisants en France), mais surtout à ceux a priori loin des préoccupations spirituelles. A 8 h 30, il est donc fin prêt: ordinateur et téléphone portable d'un côté, théière brûlante de l'autre, le sourire aux lèvres et le corps drapé de cette robe pourpre et safran de moine tibétain qui enflamme l'oeil au premier abord et qu'on finit par oublier.
Dans L'Art de la méditation (NiL) , vous prétendez qu'il n'est pas nécessaire d'être bouddhiste pour méditer.
Bien sûr que non. Nous en sommes tous capables! Les racines orientales du mot signifient d'ailleurs "cultiver". Méditer, c'est cultiver son esprit, l'aider à avoir une vision plus juste de la réalité, se familiariser avec la tolérance, l'altruisme, la tendresse, qualités dont nous avons tous le potentiel, mais que nous ne déployons que par instants fugaces.
A vous lire, il s'agirait d'exercer son esprit comme on exerce son corps...
C'est ça. On produit des efforts considérables pour apprendre les échecs, le ski, la musique. C'est très bien. Mais les qualités humaines aussi nécessitent un travail. Restons sur la musique: s'il s'exerce, un pianiste peut jouer du Mozart à tout moment. Eh bien, entraîné de manière régulière et sérieuse, un esprit peut, de la même manière, se montrer généreux de façon très spontanée.
Un pianiste ne devient pas virtuose en un jour. Combien de temps faut-il pour bien savoir méditer?
Ah... C'est une question que l'on me pose souvent en Occident, juste après "comment s'y prend-on?". Tout le monde n'a pas la chance de vivre dans l'Himalaya ou de côtoyer des grands maîtres spirituels comme j'en ai le privilège. Le meilleur conseil que je puisse donner aux débutants, surtout ici, où l'on vit à cent à l'heure, c'est de commencer par s'asseoir une demi-heure. [Rires.] Réfléchir au fonctionnement de son esprit, aux qualités que j'ai citées tout à l'heure, constitue un excellent point de départ.
Autre question très "occidentale": combien de temps avant les premiers résultats?
Mais très peu! Les recherches auxquelles je participe depuis une dizaine d'années ont montré qu'entre vingt et trente minutes de méditation par jour pendant quatre à huit semaines suffisent pour qu'apparaissent des premiers effets positifs sur la santé, notamment sur la pression artérielle, l'anxiété, la tendance à la dépression et le système immunitaire. Imaginez quand on pratique depuis quarante ans... Le message scientifique commence d'ailleurs à passer. 200 hôpitaux américains appliquent aujourd'hui le MBSR (mindful based stress reduction), un programme inventé il y a près de trente ans par Jon Kabat-Zinn, un spécialiste de biologie moléculaire, qui vise à réduire le stress chez des patients atteints de graves maladies. Et les résultats sont remarquables. Même s'il ne s'agit bien sûr pas d'assimiler la méditation à une cure miracle.
La France est-elle prête à réconcilier science et spiritualité?
Elle y vient doucement. Il y a dix ans, quand on évoquait les vertus de la méditation dans les cercles scientifiques, tout le monde rigolait. Aujourd'hui, on s'accorde à penser qu'une neuroscience contemplative existe et qu'elle reste à explorer. C'est une période très excitante pour la science.
Vous évoquez certains effets sur le cerveau. Expliquez-nous.
William James, génial fondateur de la psychologie moderne, au xixe siècle, a découvert que l'homme était incapable de maintenir son attention sur un objet plus de quelques secondes. On sait aujourd'hui que des personnes entraînées à la méditation sont capables de se focaliser durant quarante-cinq minutes, sans être fatiguées, et en gardant un temps de réponse extrêmement rapide. Que je sache, il n'est pas nécessaire d'être contrôleur aérien pour avoir besoin de se concentrer! D'ailleurs, certaines écoles primaires françaises ont introduit avec succès un "entraînement à l'attention" dans leur programme. Il existe aussi des stages de méditation pour les professeurs.
Vous êtes le principal ambassadeur du bouddhisme en Occident. Quel est le cliché le plus fréquent que vous entendez autour de la méditation?
Il y en a beaucoup! Le plus commun voudrait que sa pratique se résume à un relâchement général, un grand vide de l'esprit. Mais méditer n'est pas somnoler. Faire un grand ménage sans rien mettre de neuf dans la maison n'aurait aucun sens.
Ce grand ménage vise à se débarrasser de la colère, l'obsession, de la jalousie. Mais ces toxines de l'esprit, comme vous les appelez, ne constituent-elles pas le sel de notre vie?
Essayez de vous en débarrasser, vous verrez que la vie n'est pas fade et que l'on ne se transforme pas en légume pour autant, bien au contraire. Regardez le dalaï-lama! Et puis il existe des nuances dans les émotions. Prenons la colère. La colère malveillante n'a aucun intérêt. Elle détruit notre bonheur et celui des autres. L'indignation, en revanche, peut procéder d'une démarche altruiste et conduire à la paix intérieure. On peut être indigné par un massacre, une injustice, et être poussé à agir pour se libérer de ce tourment.
Face à la timidité de la France sur la question du Tibet, vous ne ressentez ainsi absolument aucune colère?
Disons qu'il m'arrive d'être agacé mais que j'essaie d'être philosophe! [Rires.] Les jeux de la diplomatie me font un peu perdre ma naïveté. Mais je garde confiance. Nous sommes sur le bon chemin.
Vous souvenez-vous de votre toute première expérience méditative?
Comment pourrais-je l'oublier? Elle remonte précisément à juin 1967 et à mon arrivée à Darjeeling. J'ai eu la chance de rencontrer le maître Kangyour Rinpoché auprès duquel je suis resté durant trois semaines. C'était une découverte éblouissante. J'avais l'impression d'être un enfant propulsé dans un monde merveilleux.
Sans ce voyage à Darjeeling, votre destin aurait été bien différent...
Sans doute, oui. Peut-être aurais-je découvert le bouddhisme un peu plus tard. Peut-être travaillerais-je aujourd'hui dans un laboratoire de recherche aux Etats-Unis ou en tant que médecin en France. Tout est possible... Ce qui est sûr, c'est que pas un jour ne passe sans que je sois heureux de ma vie.
Entre vos conférences, vos activités humanitaires et votre collaboration avec le dalaï-lama, cette vie vous laisse pourtant peu de temps libre. Vous arrive-t-il de sécher vos séances de méditation?
[Sourires] Je l'avoue, quand les horaires sont trop durs, il m'arrive de faire relâche... Ces vingt derniers jours, j'ai passé trente-cinq heures dans les avions. La fatigue finit par prendre le pas. Mais je compense en m'échappant le plus souvent possible dans mon ermitage de 2,50 mètres sur 2,90. Chaque fois que je m'y trouve, seul face aux 400 kilomètres de montagnes de l'Himalaya, je me dis que la vraie vie est là.
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