
Si l'on veut pratiquer le bouddhisme, la première chose à faire est d'acquérir quelques connaissances sur l'esprit. Même si vous êtes non-croyant, vous pouvez essayer d'améliorer votre esprit, de l'exercer, à condition de le connaître. En fait, la pratique de l'entraînement de l'esprit est accessible à n'importe quel être humain normal et s'avèrera en fin de compte, pour quiconque s'y efforce, d'une grande utilité.
C'est là l'essentiel de ce qui est traité dans le texte des Huit Versets de la Transformation de la Pensée. Ces huit versets nous enseignent comment gérer nos émotions négatives, puis comment améliorer ou transformer notre esprit. En tant que pratiquant, il vous faut prêter la plus grande attention à votre esprit afin d'essayer de le contrôler constamment.
On dit que le bouddhisme est la science de l'esprit, efforcez-vous donc, surtout dans le cadre de la pratique bouddhique, d'éliminer toutes les émotions négatives et de développer des émotions positives, et ce, à l'infini.
Tout le monde veut le bonheur, personne ne veut souffrir. Parmi les nombreux problèmes qui nous entourent, beaucoup sont des projections mentales de choses négatives ou déplaisantes. Si nous analysons notre propre attitude mentale, elle peut se révéler franchement insupportable. Avoir un bon équilibre mental est donc très utile et nous devons essayer d'arriver à une telle stabilité mentale.
Tout le monde veut avoir un corps en bonne santé et personne ne souhaite tomber malade. Moi le premier, je n'aime pas tomber malade mais j'attrape souvent des rhumes (particulièrement quand je fais un séjour à Bodhgaya ; pratiquement chaque fois que j'y suis, la bénédiction est si grande que j'attrape la grippe !). Toujours est-il que tout le monde aspire à être en bonne santé et que l'un des moyens importants pour y parvenir est d'avoir un esprit stable.
Entraîner son esprit est capital pour une bonne santé.
Une bonne santé et un esprit stable sont les signes d'une vie vertueuse et plus heureuse et d'un avenir sain. Même si une personne se trouve dans un environnement hostile, si son attitude mentale est stable et fermement établie, l'hostilité ambiante ne posera pas de gros problème. Sans stabilité mentale intérieure, sans l'attitude mentale juste, il est impossible à quiconque d'être heureux, calme ou en paix, même entouré des meilleurs amis ou jouissant d'excellentes conditions matérielles. C'est la raison pour laquelle exercer ou entraîner son esprit est une pratique indispensable qui n'a pas à être considérée comme religieuse.
Chacun de nous dans sa vie quotidienne devrait disposer d'une technique ou d'une méthode pour exercer son esprit.
L'esprit est sans couleur, sans forme et difficile à identifier. Et pourtant, il est puissant. Il semble parfois qu'il soit difficile à analyser, à changer ou à contrôler.
Je pense que cela dépend beaucoup du temps qu'on y passe, de la volonté, de la détermination et de la sagesse. Si nous avons détermination et sagesse -sagesse impliquant connaissance- la question est alors de savoir comment entraîner son esprit. Au final, avec le temps, notre esprit peut changer et devenir meilleur. Par exemple, si je considère mes parents, ma mère était extraordinairement douce et dotée d'une grande patience tandis que mon père s’emportait très facilement. Dans les premières années de ma vie, j'étais beaucoup plus proche de mon père et donc sujet à la colère. Dans les années qui suivirent, j'étais plus proche de ma mère et donc beaucoup plus calme. Tous deux m'ont appris quelque chose. Traditionnellement, les Tibétains croient que les gens qui viennent de la région de l'Amdo ont un caractère plus vif et plus direct. Comme je suis originaire de cette région, j'ai une bonne excuse pour ma colère !
On peut exercer son esprit en analysant les inconvénients de la colère ainsi qu'en observant les expériences vécues par d'autres. Il est utile aussi de considérer l'histoire. Chaque fois que j'étudie les tragédies de l'humanité, je découvre que, dans la plupart des cas, elles sont le résultat de comportements humains, d'émotions négatives telles que la colère, la haine, la jalousie et une cupidité extrême. Toutes les bonnes choses, celles qui sont constructives, les expériences humaines heureuses, sont principalement motivées par le respect des droits d'autrui et le souci de son bien-être -par la compassion, l'amour et la bonté.
Pour initier un changement, une amélioration, il est essentiel d'analyser avec le plus grand soin les expériences et les événements vécus par les êtres humains du passé ainsi que notre propre manière de vivre au quotidien. Nous, êtres humains, sommes les mêmes quant à nos désirs. Voilà pourquoi il est important d'entraîner son esprit.
Les Huit Versets expliquent l'importance de l'altruisme et comment préserver cette attitude d'esprit quand nous rencontrons des situations difficiles dans notre vie quotidienne. Pour les êtres humains comme pour les animaux, le fondement de la société est l'affection ou l'amour. Pendant la période où nous sommes dans le ventre de notre mère, la stabilité et le calme de celle-ci sont d'une grande importance pour le développement de l'enfant qui va naître. De même, les toutes premières semaines qui suivent la naissance sont une période décisive pour le développement du cerveau. Il est très important pour le bébé de sentir le contact physique de sa mère à ce moment-là. Cela montre bien que l'état physique lui-même dépend de la chaleur et de l'affection d'autrui. Le premier geste du bébé humain après sa naissance est de téter. Vouloir téter ou recevoir le lait n'est certainement pas le résultat de la haine ou de sentiments négatifs.
Certes, à ce moment-là, l'esprit du bébé n'est pas clair et n'a donc pas une idée claire de sa mère, il est pourtant certain que s'établit alors un lien, un sentiment d'intimité. D'ailleurs, si la mère nourrit dans son esprit de la colère ou des sentiments négatifs à l'égard de son enfant, il arrive que le sein maternel se tarisse. C'est un sentiment d'affection profonde et d'intimité entre la mère et son bébé qui permet une bonne montée de lait. Et ce geste de nous tourner vers notre mère pour être nourri est notre premier geste en tant qu'êtres humains.
Au cours des quelques mois et années qui suivent, nous sommes totalement dépendants des autres, généralement de nos parents ou de nos tuteurs. Sans leur bonté et leur sens des responsabilités, l'enfant ne peut pas survivre. En tant qu'étudiants, nous voyons bien que, si un professeur est affectueux ou proche de nous, alors les leçons ainsi que le professeur laissent une impression durable en nous.
De temps en temps, il nous faut, bon gré mal gré, aller chez le médecin. Même si celui-ci est parfaitement qualifié, s'il montre un visage fermé et avare de sourire, nous nous sentons assez mal à l'aise. Alors que, s'il est doux et montre un intérêt sincère pour notre santé, nous nous sentons à l'aise.
Quand nous devenons plus vieux, notre bien-être dépend à nouveau, pour beaucoup, de la bonté et de l'affection des autres. C'est le propre de la nature humaine. Puisque nous, les êtres humains, sommes des créatures sociales, nous dépendons totalement les uns des autres pour notre survie.
Même des animaux ou des insectes minuscules comme les abeilles ou les fourmis sont dotés d'une sorte d'instinct social. Ils ont un sens aigu de leur responsabilité et travaillent ensemble en équipe.
Regardons les abeilles, leur manière de travailler est fondée sur la coopération et pourtant elles n'ont ni religion, ni constitution, ni lois. Leur nature et leur mode de vie exigent qu'elles travaillent ensemble ; elles ne peuvent pas survivre autrement. Nous les humains, nous proclamons que nous sommes supérieurs alors qu'en fait nous nous comportons parfois de manière bien inférieure à ces petits insectes. A la base, notre situation exige que nous vivions ensemble et donc que nous travaillions ensemble. C'est une loi naturelle et pourtant nous agissons parfois d'une manière diamétralement opposée.
D'après le bouddhisme, les plantes n'ont ni esprit, ni conscience. En tant que moine bouddhiste, je dis qu'elles n'ont pas de conscience ; en fait je n'en sais rien, c'est difficile à dire ! Je pense que cette question demande à être approfondie. Certains disent que les plantes sont dotées d'une sorte de capacité à sentir et à connaître. Aussi, dépourvue de conscience ou d'esprit, leur existence même repose sur la coopération entre chaque particule et chaque cellule. Chaque particule a un certain devoir à remplir, un certain rôle, et toutes les particules travaillent ensemble afin de permettre la survie et le développement de la plante. Le fonctionnement et l'existence du monde, de la planète elle-même, et même de l'univers, dépendent d'une coopération similaire.
Les différentes parties du corps humain travaillent ensemble, nous permettant de fonctionner avec efficacité. Notre existence et notre survie dépendent de la coopération et de la coordination entre ces parties. Prenez, par exemple, la famille humaine.
En l'absence de coopération et de compréhension, parents et enfants se disputent sans cesse.
La même chose est vraie pour les querelles au sein des couples. On finit par divorcer et il ne reste plus ni paix, ni bonheur. Le mariage est détruit. Une famille, un corps, une société ou une nation saine repose impérativement sur l'esprit de coopération. Comment développe-t-on cet esprit ? Par la force ? Impossible ! Alors, quelle est l'alternative ? Actions bénévoles, altruisme et intérêt pour le bien-être et les droits d'autrui. Nul besoin de considérer ces actions comme sacrées ; elles sont dictées par notre propre intérêt car notre survie en dépend. Par exemple, si vous êtes sincèrement amical envers les autres et prenez soin d'eux, alors eux aussi vous répondront en conséquence.
J'adore les sourires et les rires. Si l'on veut davantage de sourires dans sa vie, il faut créer les conditions adéquates. Il existe de nombreuses façons différentes de sourire. Certains sourires, diplomatiques ou sarcastiques, créent une atmosphère désagréable et font naître la méfiance alors qu'un sourire sincère comble de joie. Alors, comment parvenir à cela ? Certainement pas par la colère, la jalousie, l'avidité excessive ou la haine, mais par la gentillesse, l'amour, un esprit ouvert et sincère.
Si vos intentions sont sincères, il n'y a rien à cacher et, en retour, vous recevez une attitude ouverte. Voilà la véritable et bonne filière pour communiquer entre humains et éviter la langue de bois. D'après ma propre expérience, j'ai remarqué qu'il m'est possible parfois de communiquer sincèrement avec quelqu'un, même quand je ne connais pas la langue de mon interlocuteur. Mais, par moments, il est difficile d'être franc.
Quand les gens ont du pouvoir, les autres ont tendance à affluer autour d'eux. Je crois que j'ai plus d'amis maintenant à cause du Prix Nobel de la Paix ; ce ne sont peut- être pas des amis sur qui l'on peut compter. Les gens riches, célèbres ou puissants ont souvent beaucoup d'amis. Ces amis, en réalité, ne sont peut-être pas de vrais amis ; ils sont simplement attirés par la richesse ou le pouvoir de la personne en question. Si cette personne perd son pouvoir ou sa fortune, ces amis disparaîtront sans doute. Je considère que de tels amis manquent de sincérité.
Les liens qui réunissent les vrais amis sont authentiques et se maintiennent en dépit des aléas de la vie. Nous soucier des autres est une grande vertu, mais d'une certaine façon, c'est aussi de l'égoïsme puisqu'au bout du compte c'est pour notre propre bien et dans notre intérêt. Je dis très souvent à mes amis que tant qu'à être égoïste, autant l'être intelligemment. Si nous sommes sincères, nous aurons des amis sûrs et en tirerons de grands avantages. Si nous négligeons les autres, ne nous soucions pas de leur bien-être et ne pensons qu'à nous, au final nous serons le perdant.
Ainsi, la structure de base de la société humaine exige que nous ayons un sens de la responsabilité fondé sur l'altruisme et la compassion. La source ultime du bonheur est l'altruisme. Pour réussir dans la vie, il faut de la détermination, de la volonté et du courage. Et la source de ce courage et de cette détermination est l'altruisme. Parfois, la colère et la haine génèrent une sorte d'énergie et de détermination, toutefois cette détermination apporte rarement des conséquences positives parce que l'énergie créée par la colère et la jalousie est aveugle, nuisible et peut même être fatale.
La méthode, ou technique, bouddhique pour améliorer l'esprit repose sur la théorie de l'interdépendance, en sanskrit pratityasamoutpada. Celle-ci traite particulièrement des causes de la douleur et du plaisir et du fait que tout est lié, créant ainsi une réaction en chaîne. Comme je l'ai mentionné auparavant, la satisfaction, ou bonheur, dépend d'une variété de facteurs. Donc la théorie de l’interdépendance élargit en fait notre vision du monde. Elle nous montre qu'en définitive tout concourt à notre bien. Tout naturellement, cela nous permet de développer de l'intérêt pour une perspective plus vaste. Par la compréhension de cette théorie et sa mise en pratique dans les faits, il est possible de promouvoir en chacun de nous l'amour bienveillant et la compassion et de réduire notre colère et notre haine.
SOURCE: Du livre
Un Autre Regard
Réflexions sur l'existence,
le bonheur, l'amour, la mort...
Sa Sainteté le Dalaï Lama
Dernière édition par le Ven 07 Déc 2007, 13:52, édité 2 fois
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