L’enseignement du Bouddha et la cessation des conflits
suivi de : “Une querelle entre frères” (présentation du Dhammapada Atthakathâ, Livre 15, Sukha Vagga, 1)
par Michel-Henri Dufour
bibliographie complémentaire – adresses et liens Internet
Faire la paix avec soi-même, les autres, l’environnement et les conditions.
L’Enseignement du Bouddha est généralement reconnu comme une voie royale vers la paix, car, de quelque côté que l’on se tourne dans les Textes, il n’est en fait jamais question d’autre chose que de pacification. Le Bouddha lui-même et tous les moines ou laïcs réalisés (les arahā) nous démontrent, par leur vie, la possibilité de parvenir à une telle pacification.
Considérant le nombre important de personnes qui parlent de « paix » et que l’on en arrive à la situation paradoxale, et fondamentalement absurde, consistant à préparer la paix en faisant la guerre, la définition de ce terme est de toute évidence problématique. Dans la mesure où le but n’est pas toujours clairement défini, comment est-il possible de mettre en oeuvre les moyens pour y parvenir ?
Dans le bouddhisme le but est par contre sans ambiguïté ; d’où toute la stratégie libératrice exposée par le Bouddha. Ses enseignements, considérés dans leur globalité, sont tous en interrelation au sein d’un système parfaitement cohérent, de pensée et de pratique, trouvant son unité dans son but final : la réalisation de la libération de la souffrance, au sens le plus large. Il n’y aurait en fait de véritable paix que dans la réalisation du nibbāna (assimilable, parmi autres connotations, à l’extinction de tous les conflits potentiellement générateurs de souffrance). La paix est donc beaucoup plus que le silence des armes ou l’absence de conflits ouverts, conception rassurante et apparemment confortable mais éminemment illusoire !
Dans le bouddhisme ancien, de langue pāli, deux parmi les différents termes utilisés pour traduire le concept de « paix » sont d’une part santi, d’autre part sāmaggī. Santi englobe plusieurs aspects : paix, tranquillité, calme, pacification, règlement des conflits, et même nibbāna. On le retrouve en français dans « santé » et « sainteté ». (« La santé est un état de bien-être, le corps étant libéré de la souffrance ; un état dynamique de sérénité et de calme, l’émotion étant libéré de la passion; un état de prise de conscience de la réalité des choses, le mental étant libéré de son égocentrisme. » [note 1]). On retrouve la racine de sāmaggī (concorde) dans samatha (la pacification mentale) et samādhi (l’harmonie, l’équilibre mental).
Il est frappant de constater que, dans sa formulation, le préambule de l’Acte constitutif de l’UNESCO est parfaitement en accord avec l’Enseignement du Bouddha. Ce préambule déclare en effet :
* « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix. »
Equivalent dans l’Enseignement du Bouddha : le Dhammapada [note 2], dont le tout premier verset peut se traduire ainsi :
« L’attitude mentale est le prélude de toutes les conditions. L’esprit les domine, par lui elles sont façonnées.
Le mental est l’avant-coureur de toutes les conditions, le mental est premier, le mental les façonnent. Si un homme parle ou agit avec un mental mal orienté, la souffrance le suit d’aussi près que la roue suit le sabot du boeuf tirant le char. »
* « L’incompréhension mutuelle des peuples a toujours été, au cours de l’Histoire, à l’origine de la suspicion et de la méfiance entre nations, par où leurs désaccords ont trop souvent dégénéré en guerre. »
Equivalent dans l’Enseignement du Bouddha : l’ignorance de la réalité est source de toutes les souffrances et génératrice de haine.
* « Une paix fondée sur les seuls accords économiques et politiques des gouvernements ne saurait entraîner l’adhésion unanime, durable et sincère des peuples et, par conséquent, cette paix doit être établie sur le fondement de la solidarité intellectuelle et morale de l’humanité. »
Equivalent dans l’Enseignement du Bouddha : la voie de la cessation de la souffrance passe par l’adoption d’une éthique solide et la culture dynamique de la sagesse en son propre esprit (méditation).
La source des conflits
Comme l’on pourrait s’y attendre, pour le bouddhisme la source des conflits se situe à l’intérieur de nous-même, dans nos habitudes mentales non habiles et néfastes, plutôt qu’à l’extérieur.
Les problèmes conflictuels surgissent en raison de l’habitude, véritable réflexe mental, que l’on nomme papañca. Ce terme, tout particulièrement délicat à cerner, comprend tout à la fois les sens de : complication, prolifération, exagération, élaboration, distorsion, pensée tournant sur soi-même, réification. Dans la pensée indienne il a possédé une large variété de significations, avec une constante : dans le discours philosophique bouddhique il implique des connotations négatives, généralement de falsification et de distorsion.
Les commentaires des Ecritures en pāli le définissent comme recouvrant trois types de pensée : avidité, orgueil et vues spéculatives. Ils notent également que la fonction de papañca est de ralentir l’esprit dans sa conquête de la délivrance du cycle des renaissances, de susciter des distinctions néfastes et des questions inopportunes.
L’esprit, en raison de sa nature ignorante (non éveillée), a tendance à voir des distinctions et des différenciations même au sein de la plus simple expérience de la vie quotidienne, donnant ainsi naissance aux vues et opinions prégnantes de conflits. La racine de ces classifications est la perception « Je suis le penseur ». Cette perception se situe à la source car elle interprète le présent immédiat en une série de distinctions : moi/non-moi, être/non-être, penseur/pensée, identité/non-identité, etc. susceptibles de proliférer en donnant naissance au conflit physique et/ou mental. L’orgueil (le sentiment exacerbé de soi-même) inhérent à cette perception tient ainsi l’esprit en esclavage. Pour se libérer l’on doit examiner ces distinctions, que nous considérons comme allant de soi, pour comprendre que ce ne sont que de simples assomptions, en aucune façon inhérentes à l’expérience, et qu’il est plus salutaire d’abandonner par la pratique de l’attention analytique (sati).
Les bases de l’attitude non violente
Dans le bouddhisme, pour lequel, en dernière analyse, la pacification intérieure par un effort assidu sur soi est seul garante d’une véritable paix durable, au sein de laquelle il n’existe plus ni frustration ni tension, les bases de la conduite sociale non violente consistent en ce que l’on nomme les quatre illimités (ou demeures divines, brahma vihāra), respectivement :
* mettā, qui est l’esprit de bonne volonté, de bienveillance. C’est également le sens de la gratitude, la patience, sans esprit de blâme. D’une façon générale c’est la faculté de faire la paix avec toutes les conditions, positives et négatives, l’attitude fondamentalement non violente de laisser vivre et évoluer ce qui existe.
* karuṇā est la compassion, l’empathie, la faculté de ressentir la souffrance d’autrui. Elle n’implique pas de connotation sentimentale.
* muditā est l’antidote de la jalousie. C’est la joie sympathique, l’appréciation de la beauté, de la bonté et de la Vérité.
* upekkhā est l’équanimité, la sérénité, l’équilibre émotionnel, la non-différence qui permet l’amour sans considération de sujet ou d’objet. Upekkhā se caractérise par une attitude mentale inébranlable devant toutes les conditions mondaines (lokadhammā).
Il est important de noter qu’à l’inverse de nombreux autres enseignements religieux ou doctrines philosophiques, le bouddhisme ne vouent pas aux gémonies ceux qui « osent » ne pas suivre ses préceptes. Tout bûcher, inquisition ou autodafé, détruirait d’emblée les principes sous-tendant l’Enseignement du Bouddha. Il est vrai qu’au cours de l’Histoire des exactions ont pu être commises par certains « bouddhistes », mais le simple fait de commettre ces exactions les ont automatiquement exclus de la communauté des disciples d’une façon tout aussi radicale que le fait de mourir nous exclut de la communauté des vivants.
L’enseignement du Dhammapada
Dans le Dhammapada nous trouvons, exposés sous une forme condensée et poétique, par conséquent aisément mémorisable, nombre d’éléments fondamentaux des enseignements du Bouddha. De façon récurrente il y traite de la nécessité impérieuse d’un esprit équilibré et libre de malignité et d’égocentrisme.
* « Il m’a injurié, il m’a maltraité, il m’a rabaissé, il m’a volé. Chez ceux qui accueillent de telles pensées, le ressentiment ne s’apaise jamais. » (verset 3)
* « Dans ce monde, en vérité, la haine ne se détruit pas par la haine. C’est seulement par la compassion que la haine s’éteint. Ceci est un principe ancien. » (verset 5)
* « S’abstenir de tout mal, cultiver le bien, purifier son esprit, voici l’Enseignement des bouddha. » (verset 183)
* « Heureux vivons-nous sans haine parmi ceux qui haïssent. Au milieu des hommes hostiles demeurons sans hostilité. » (verset 197)
[lire, à propos de ce dernier verset, le texte ci-dessous : "Une querelle entre frères"]
Tout un chapitre du Dhammapada, « Le châtiment » (versets 129 à 145) est particulièrement consacré à la culture de la non-violence. On y lit :
« Tous tremblent devant les armes, à tous la vie est chère. Comparant autrui à soi-même, l’on ne doit ni faire violence ni être cause de violence. » (verset 129).
S’engager pour la paix
Le « bouddhisme engagé » fait partie du renouveau spirituel caractérisant le bouddhisme en Asie du Sud-Est, et tout particulièrement en Thaïlande, depuis quelques décennies. Sont directement impliqués des moines de forêt, des nonnes, des responsables d’entreprises et diverses personnalités. Parmi ces dernières le plus connu est sans aucun doute Sulak Sivaraksa qui, toutes proportions gardées, peut être considéré comme le « Aung San Suu Kyi thaïlandais ».
Sulak est en effet le plus actif militant de ce pays, critique du régime en place et théoricien du « bouddhisme engagé » au sein de l’INEB (Réseau International des Bouddhistes Engagés) dont il est l’initiateur. Agé de soixante-sept ans il a, pendant trente-cinq ans, combiné une ouvre intellectuelle provocatrice avec un infatigable travail sur le terrain en Thaïlande. Il a mis en place des projets de développement rural, de nombreuses organisations non gouvernementales ayant pour objet d’explorer, en Thaïlande et dans le monde, des modèles de développement soutenables, enracinés dans la tradition, et fondés sur l’éthique et la culture spirituelle.
Régulièrement, Sulak a été persécuté par les diverses dictatures qui ont gouverné la Thaïlande à de nombreuses reprises depuis 1932. Il a connu l’exil, la prison, les procès, les intimidations, et toutes les difficultés inhérentes à une vie de contestation. Sulak a été nominé à deux reprises, en 1993 et en 1994, pour le Prix Nobel de la Paix. Il est venu en France à la fin de l’année 2000, dans le cadre d’un congrès sur le bouddhisme à L’UNESCO, pour exposer son action qui consiste essentiellement à inclure les principes bouddhiques de base, la compassion et la sagesse, dans les comportements économiques, éducatifs et politiques, dans un esprit de responsabilité globale. C’est ce qu’il nomme le développement de « ariya vinaya », la conduite noble (ou la conduite des esprits nobles).
« Dans la pensée et la pratique bouddhiques le concept d’ariya fait référence à la qualité devant guider le chemin vers l’Eveil et la vie noble. L’essence de vinaya réside dans la compréhension de la vérité éternelle au sujet du noble chemin. Par conséquent ariya vinaya est un processus dynamique de notre pensée et de notre action, et le mode de vie menant à la plus haute réalisation. C’est une révolution et un combat quotidien pour le changement à l’intérieur de nous-même. Les implications de ce changement sont pertinents à la fois pour l’individu et la société. Cette lutte ininterrompue implique de reconnaître nos traits négatifs telles que l’avidité, la haine et l’ignorance. En termes d’idéal, ariya vinaya est une approche holistique de la paix, du développement, et de la vie en société, fondée sur une conception bouddhique du monde (…)
ariya vinaya est une vision bouddhique du monde qui est particulièrement pertinente en raison des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Les problèmes tels que la pauvreté, le sous-développement, la violence structurelle, les guerres, la transformation dans les relations entre l’homme et la nature, et les conséquences du modèle de développement adopté, ne peuvent pas être compris simplement en termes de politique gouvernementale. Il est urgent de reconnaître la crise spirituelle qui engloutit l’humanité. Par conséquent les réponses passeront nécessairement par des moyens spirituels. Il n’est pas obligatoire que vinaya soit statique. C’est également un processus continuel d’introspection qui doit provoquer de nouveaux aperçus et fournir de nouvelles interprétations à nos valeurs et traditions. Ceci permettra non seulement d’en préserver la continuité mais également d’assurer leur pertinence pour notre époque et les situations changeantes (…)
Il n’y a aucun doute que les valeurs de démocratie, liberté et égalité sont ancrées dans nos anciennes traditions. Dans une perspective bouddhique la signification de liberté est beaucoup plus large que l’interprétation occidentale. La notion bouddhique inclut le fait d’être libéré de l’avidité, de la haine et de l’ignorance. Mais de quelle façon pouvons-nous traduire la libération individuelle en termes de liberté collective au sein de nos sociétés ? C’est ici que je reconnais les obstacles humains au nom de la religion, de la culture et des systèmes sociaux. De ce contexte naissent la nécessité et la signification de la justice. Cette idée de justice est fondamentale et pertinente pour comprendre le sens de la liberté et de l’égalité dans une société. L’oligarchie aux Etats-Unis, la démocratie de l’élite en Occident, et l’Inde en tant que plus grande démocratie au monde, sont de pauvres reflets de notre idée de justice dans une démocratie politique. Le combat, par conséquent, ne peut être défini en termes de modernité contre tradition. Dans le combat pour réaliser la liberté, l’égalité et la justice nous rétablissons tout simplement la vérité et la base de vie qui fut déniée à l’humanité ordinaire. Il y a une forme de sacré dans notre reconnaissance de la vérité. La reconnaissance de la souffrance est le début de la connaissance. »
Sulak Sivaraksa vise dans toutes ses actions à impliquer largement tous les responsables religieux, au sujet desquels il est tout particulièrement critique. Lors d’une récente conférence aux Nations Unies il déclarait :
« Les responsables religieux peuvent aisément être la proie de l’illusion et de l’arrogance. Fréquemment ces personnalités succombent à la séduction de l’Etat, de l’argent ou de la gloire, et ainsi ferment-ils les yeux sur les souffrances des pauvres et des personnes marginales. Ils affichent parfois un mode de vie luxueux et ostentatoire. Tout simplement, ils ne vivent pas ce qu’ils prêchent. Si nous devenons de bons compagnons [note 3] pour de tels responsables religieux ils peuvent redécouvrir les vertus d’humilité et de simplicité et peuvent s’efforcer de réduire leur hypocrisie. Ils peuvent même acquérir un niveau élevé sur le plan éthique et religieux, refusant de faire des courbettes au pouvoir politico-économique. »
Divers groupes d’étude et d’action sont directement affiliés à l’INEB, ces groupes ayant pour but de replacer les valeurs bouddhiques au sein des activités de la société en impliquant directement les communautés laïques et monastiques, chacune dans leur rôle respectif. De nombreux autres organismes (associations interreligieuses, de développement, de chefs d’entreprises, etc. ) collaborent également à ses actions. Tout ceci contribuant à créer un véritable mouvement de régénération au sein du bouddhisme en Thaïlande qui, pour de nombreuses raisons (entre autres du fait de son statut de « religion d’Etat »), s’enlise lentement dans la sclérose.
Dhammapada Atthakathâ, Livre 15, Sukha Vagga, 1
Le Bouddha ne s’est jamais contenté de simplement parler en faveur de la paix ou d’être lui-même pacifié. Il a été actif dans la promotion de la paix en essayant de stopper la guerre. Lorsque des membres de sa famille (au sens large) furent sur le point de combattre pour s’approprier les eaux de la rivière Rohinî, le Bouddha ne prit pas partie, ne les incita pas à agir d’une manière ou d’une autre, ne leur donna aucun conseil tactique, pas plus qu’il ne leur dit d’être sans pitié avec leurs adversaires comme un « Dieu » aurait pu le faire. A la place il s’interposa entre les deux factions et leur enseigna la valeur de la vie humaine au-dessus de toute autre chose. Les deux camps déposèrent les armes et la paix fut restaurée. Le Bouddha avait abandonné la haine et empli son esprit d’amour et de compassion, aussi lui était-il impossible d’approuver la guerre.
« Heureux vivons-nous ».
Ce sermon fut délivré par le Maître lorsqu’il résidait parmi les Sâkyas, désirant illustrer la cessation de la querelle entre membres de la même famille.
L’histoire rapporte que les Sâkyas [note 1] et les Koliyas avaient retenu les eaux de la rivière Rohinî en édifiant un seul barrage entre la cité de Kapilavatthu [note 2] et la cité de Koliya, et avaient pu ainsi cultiver leurs champs sur les deux berges de la rivière. Il arriva alors que, au cours du mois de Jetthamâla [note 3] les récoltes venant à baisser, les ouvriers employés par les habitants des deux cités se réunirent.
Les habitants de la cité de Koliya déclarèrent :
« Si cette eau est dirigée vers les deux côtés de la rivière, il n’y en aura pas suffisamment à la fois pour nous et pour vous. Mais nos récoltes pourront croître avec un seul arrosage. Par conséquent laissez-nous prendre l’eau. »
Ce à quoi les Sâkyas rétorquèrent :
« Après que vous aurez rempli vos entrepôts, nous n’aurons pas le coeur de prendre de l’or et des bijoux, des sacs et des paniers à la main, et d’aller de maison en maison quérir vos faveurs. Nos récoltes aussi pourront croître avec un seul arrosage. Aussi, laissez-nous prendre l’eau.
- Nous ne vous la donnerons pas.
- Nous non plus ! Vous ne l’aurez pas. »
Les discussions devinrent plus âpres, jusqu’à ce que l’un des membres de l’assemblée se lève et porte un coup à un autre. L’autre retourna le coup et un combat général s’ensuivit, les combattants envenimant les choses en insultant les origines des deux familles royales.
Les ouvriers des Koliyas lancèrent :
« Vous qui vivez dans la cité de Kapilavatthu, prenez vos enfants et retournez d’où vous venez. Allons-nous nous laisser mettre en danger par les éléphants, les chevaux, les boucliers et les armes de ceux qui, tels les chiens et les chacals, ont cohabité avec leurs propres soeurs ? »
Les ouvriers employés par les Sâkyas répliquèrent :
« Vous les lépreux, prenez vos enfants et retournez d’où vous venez. Allons-nous nous laisser mettre en danger par les éléphants, les chevaux, les boucliers et les armes de hors-castes souffreteux qui ont vécu dans les jujubiers tels des animaux ? »
Les deux groupes d’ouvriers s’en allèrent pour informer de cette querelle les ministres ayant la charge du travail, et les ministres en informèrent à leur tour les personnages royaux.
Immédiatement les Sâkyas sortirent de leur cité en armes et vociférant :
« Nous allons leur montrer la force et la puissance de ceux qui ont cohabité avec leurs soeurs ! »
De la même manière les Koliyas sortirent de leur cité en armes et vociférant :
« Nous allons leur montrer la force et la puissance de ceux qui ont vécu dans les jujubiers ! »
A ce moment-là, alors que le Maître survolait mentalement le monde à l’aube et qu’il vit ses parents, il pensa :
« Si je m’abstiens d’aller rencontrer ces hommes ils vont se détruire. C’est clairement mon devoir que d’aller les voir. »
Immédiatement il se déplaça à travers l’espace vers l’endroit où ses parents étaient rassemblés, et s’assit dans les airs, jambes croisées, au milieu de la rivière Rohinî. Lorsque les parents du Maître le virent ils jetèrent leurs armes et s’inclinèrent devant lui.
Le Maître dit alors à ses parents :
« Pourquoi cette querelle, grand roi ?
- Nous ne savons pas, ô Bienheureux !
- Qui pourrait alors le savoir ?
- Le commandant en chef devrait le savoir. »
Le commandant en chef de l’armée dit : « Le vice-roi devrait le savoir. »
Ainsi le Maître posa la question d’abord à l’un puis à l’autre, interrogeant les esclaves en dernier. Les esclaves répondirent :
« Nous nous querellons au sujet de l’eau, ô Bienheureux. »
Le Maître demanda alors au roi :
« Quelle est la valeur de l’eau, grand roi ?
- Très peu de valeur, ô Bienheureux.
- Quelle est la valeur des Khattiyas [note 4], grand roi ?
- Les Khattiyas sont sans prix, ô Bienheureux.
- Il n’est pas correct qu’à cause d’un peu d’eau vous détruisiez des Khattiyas qui sont sans prix. »
Ils demeurèrent silencieux. Alors le Maître leur adressa la parole et dit :
« Grands rois, pourquoi agissez-vous de cette façon ? Si je n’étais pas intervenu aujourd’hui vous auriez versé des torrents de sang. Vous avez agi d’une manière totalement déplacée. Vous vivez dans l’inimitié, vous laissant aller aux cinq catégories de haine. Je vis libre de haine. Vous vivez affligé de la maladie des passions néfastes. Je vis libre de maladie. Vous vivez dans la poursuite avide des cinq catégories de plaisir sensuel. Je vis libre de toute recherche avide. »
Ayant ainsi parlé il prononça les stances suivantes :
« Heureux vivons-nous libre de haine parmi ceux qui haïssent. Au milieu des hommes hostiles demeurons sans hostilité.
Heureux vivons-nous libre de maladie (de l’esprit) parmi ceux qui sont affligés par la maladie. Au milieu des hommes malades demeurons en parfaite santé.
Heureux vivons-nous libre de désir parmi ceux qui sont obsédés par le désir. Au milieu des hommes avides demeurons libre d’avidité. »
Ces paroles du Bouddha constituent, dans le Dhammapada, les trois premiers versets (197, 198 et 199) du chapitre « Le Bonheur » (Sukha Vagga). [note 5]
http://mhd-abt.perso.neuf.fr/pratiqueetude/ensbouddcessationconflits
suivi de : “Une querelle entre frères” (présentation du Dhammapada Atthakathâ, Livre 15, Sukha Vagga, 1)
par Michel-Henri Dufour
bibliographie complémentaire – adresses et liens Internet
Faire la paix avec soi-même, les autres, l’environnement et les conditions.
L’Enseignement du Bouddha est généralement reconnu comme une voie royale vers la paix, car, de quelque côté que l’on se tourne dans les Textes, il n’est en fait jamais question d’autre chose que de pacification. Le Bouddha lui-même et tous les moines ou laïcs réalisés (les arahā) nous démontrent, par leur vie, la possibilité de parvenir à une telle pacification.
Considérant le nombre important de personnes qui parlent de « paix » et que l’on en arrive à la situation paradoxale, et fondamentalement absurde, consistant à préparer la paix en faisant la guerre, la définition de ce terme est de toute évidence problématique. Dans la mesure où le but n’est pas toujours clairement défini, comment est-il possible de mettre en oeuvre les moyens pour y parvenir ?
Dans le bouddhisme le but est par contre sans ambiguïté ; d’où toute la stratégie libératrice exposée par le Bouddha. Ses enseignements, considérés dans leur globalité, sont tous en interrelation au sein d’un système parfaitement cohérent, de pensée et de pratique, trouvant son unité dans son but final : la réalisation de la libération de la souffrance, au sens le plus large. Il n’y aurait en fait de véritable paix que dans la réalisation du nibbāna (assimilable, parmi autres connotations, à l’extinction de tous les conflits potentiellement générateurs de souffrance). La paix est donc beaucoup plus que le silence des armes ou l’absence de conflits ouverts, conception rassurante et apparemment confortable mais éminemment illusoire !
Dans le bouddhisme ancien, de langue pāli, deux parmi les différents termes utilisés pour traduire le concept de « paix » sont d’une part santi, d’autre part sāmaggī. Santi englobe plusieurs aspects : paix, tranquillité, calme, pacification, règlement des conflits, et même nibbāna. On le retrouve en français dans « santé » et « sainteté ». (« La santé est un état de bien-être, le corps étant libéré de la souffrance ; un état dynamique de sérénité et de calme, l’émotion étant libéré de la passion; un état de prise de conscience de la réalité des choses, le mental étant libéré de son égocentrisme. » [note 1]). On retrouve la racine de sāmaggī (concorde) dans samatha (la pacification mentale) et samādhi (l’harmonie, l’équilibre mental).
Il est frappant de constater que, dans sa formulation, le préambule de l’Acte constitutif de l’UNESCO est parfaitement en accord avec l’Enseignement du Bouddha. Ce préambule déclare en effet :
* « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix. »
Equivalent dans l’Enseignement du Bouddha : le Dhammapada [note 2], dont le tout premier verset peut se traduire ainsi :
« L’attitude mentale est le prélude de toutes les conditions. L’esprit les domine, par lui elles sont façonnées.
Le mental est l’avant-coureur de toutes les conditions, le mental est premier, le mental les façonnent. Si un homme parle ou agit avec un mental mal orienté, la souffrance le suit d’aussi près que la roue suit le sabot du boeuf tirant le char. »
* « L’incompréhension mutuelle des peuples a toujours été, au cours de l’Histoire, à l’origine de la suspicion et de la méfiance entre nations, par où leurs désaccords ont trop souvent dégénéré en guerre. »
Equivalent dans l’Enseignement du Bouddha : l’ignorance de la réalité est source de toutes les souffrances et génératrice de haine.
* « Une paix fondée sur les seuls accords économiques et politiques des gouvernements ne saurait entraîner l’adhésion unanime, durable et sincère des peuples et, par conséquent, cette paix doit être établie sur le fondement de la solidarité intellectuelle et morale de l’humanité. »
Equivalent dans l’Enseignement du Bouddha : la voie de la cessation de la souffrance passe par l’adoption d’une éthique solide et la culture dynamique de la sagesse en son propre esprit (méditation).
La source des conflits
Comme l’on pourrait s’y attendre, pour le bouddhisme la source des conflits se situe à l’intérieur de nous-même, dans nos habitudes mentales non habiles et néfastes, plutôt qu’à l’extérieur.
Les problèmes conflictuels surgissent en raison de l’habitude, véritable réflexe mental, que l’on nomme papañca. Ce terme, tout particulièrement délicat à cerner, comprend tout à la fois les sens de : complication, prolifération, exagération, élaboration, distorsion, pensée tournant sur soi-même, réification. Dans la pensée indienne il a possédé une large variété de significations, avec une constante : dans le discours philosophique bouddhique il implique des connotations négatives, généralement de falsification et de distorsion.
Les commentaires des Ecritures en pāli le définissent comme recouvrant trois types de pensée : avidité, orgueil et vues spéculatives. Ils notent également que la fonction de papañca est de ralentir l’esprit dans sa conquête de la délivrance du cycle des renaissances, de susciter des distinctions néfastes et des questions inopportunes.
L’esprit, en raison de sa nature ignorante (non éveillée), a tendance à voir des distinctions et des différenciations même au sein de la plus simple expérience de la vie quotidienne, donnant ainsi naissance aux vues et opinions prégnantes de conflits. La racine de ces classifications est la perception « Je suis le penseur ». Cette perception se situe à la source car elle interprète le présent immédiat en une série de distinctions : moi/non-moi, être/non-être, penseur/pensée, identité/non-identité, etc. susceptibles de proliférer en donnant naissance au conflit physique et/ou mental. L’orgueil (le sentiment exacerbé de soi-même) inhérent à cette perception tient ainsi l’esprit en esclavage. Pour se libérer l’on doit examiner ces distinctions, que nous considérons comme allant de soi, pour comprendre que ce ne sont que de simples assomptions, en aucune façon inhérentes à l’expérience, et qu’il est plus salutaire d’abandonner par la pratique de l’attention analytique (sati).
Les bases de l’attitude non violente
Dans le bouddhisme, pour lequel, en dernière analyse, la pacification intérieure par un effort assidu sur soi est seul garante d’une véritable paix durable, au sein de laquelle il n’existe plus ni frustration ni tension, les bases de la conduite sociale non violente consistent en ce que l’on nomme les quatre illimités (ou demeures divines, brahma vihāra), respectivement :
* mettā, qui est l’esprit de bonne volonté, de bienveillance. C’est également le sens de la gratitude, la patience, sans esprit de blâme. D’une façon générale c’est la faculté de faire la paix avec toutes les conditions, positives et négatives, l’attitude fondamentalement non violente de laisser vivre et évoluer ce qui existe.
* karuṇā est la compassion, l’empathie, la faculté de ressentir la souffrance d’autrui. Elle n’implique pas de connotation sentimentale.
* muditā est l’antidote de la jalousie. C’est la joie sympathique, l’appréciation de la beauté, de la bonté et de la Vérité.
* upekkhā est l’équanimité, la sérénité, l’équilibre émotionnel, la non-différence qui permet l’amour sans considération de sujet ou d’objet. Upekkhā se caractérise par une attitude mentale inébranlable devant toutes les conditions mondaines (lokadhammā).
Il est important de noter qu’à l’inverse de nombreux autres enseignements religieux ou doctrines philosophiques, le bouddhisme ne vouent pas aux gémonies ceux qui « osent » ne pas suivre ses préceptes. Tout bûcher, inquisition ou autodafé, détruirait d’emblée les principes sous-tendant l’Enseignement du Bouddha. Il est vrai qu’au cours de l’Histoire des exactions ont pu être commises par certains « bouddhistes », mais le simple fait de commettre ces exactions les ont automatiquement exclus de la communauté des disciples d’une façon tout aussi radicale que le fait de mourir nous exclut de la communauté des vivants.
L’enseignement du Dhammapada
Dans le Dhammapada nous trouvons, exposés sous une forme condensée et poétique, par conséquent aisément mémorisable, nombre d’éléments fondamentaux des enseignements du Bouddha. De façon récurrente il y traite de la nécessité impérieuse d’un esprit équilibré et libre de malignité et d’égocentrisme.
* « Il m’a injurié, il m’a maltraité, il m’a rabaissé, il m’a volé. Chez ceux qui accueillent de telles pensées, le ressentiment ne s’apaise jamais. » (verset 3)
* « Dans ce monde, en vérité, la haine ne se détruit pas par la haine. C’est seulement par la compassion que la haine s’éteint. Ceci est un principe ancien. » (verset 5)
* « S’abstenir de tout mal, cultiver le bien, purifier son esprit, voici l’Enseignement des bouddha. » (verset 183)
* « Heureux vivons-nous sans haine parmi ceux qui haïssent. Au milieu des hommes hostiles demeurons sans hostilité. » (verset 197)
[lire, à propos de ce dernier verset, le texte ci-dessous : "Une querelle entre frères"]
Tout un chapitre du Dhammapada, « Le châtiment » (versets 129 à 145) est particulièrement consacré à la culture de la non-violence. On y lit :
« Tous tremblent devant les armes, à tous la vie est chère. Comparant autrui à soi-même, l’on ne doit ni faire violence ni être cause de violence. » (verset 129).
S’engager pour la paix
Le « bouddhisme engagé » fait partie du renouveau spirituel caractérisant le bouddhisme en Asie du Sud-Est, et tout particulièrement en Thaïlande, depuis quelques décennies. Sont directement impliqués des moines de forêt, des nonnes, des responsables d’entreprises et diverses personnalités. Parmi ces dernières le plus connu est sans aucun doute Sulak Sivaraksa qui, toutes proportions gardées, peut être considéré comme le « Aung San Suu Kyi thaïlandais ».
Sulak est en effet le plus actif militant de ce pays, critique du régime en place et théoricien du « bouddhisme engagé » au sein de l’INEB (Réseau International des Bouddhistes Engagés) dont il est l’initiateur. Agé de soixante-sept ans il a, pendant trente-cinq ans, combiné une ouvre intellectuelle provocatrice avec un infatigable travail sur le terrain en Thaïlande. Il a mis en place des projets de développement rural, de nombreuses organisations non gouvernementales ayant pour objet d’explorer, en Thaïlande et dans le monde, des modèles de développement soutenables, enracinés dans la tradition, et fondés sur l’éthique et la culture spirituelle.
Régulièrement, Sulak a été persécuté par les diverses dictatures qui ont gouverné la Thaïlande à de nombreuses reprises depuis 1932. Il a connu l’exil, la prison, les procès, les intimidations, et toutes les difficultés inhérentes à une vie de contestation. Sulak a été nominé à deux reprises, en 1993 et en 1994, pour le Prix Nobel de la Paix. Il est venu en France à la fin de l’année 2000, dans le cadre d’un congrès sur le bouddhisme à L’UNESCO, pour exposer son action qui consiste essentiellement à inclure les principes bouddhiques de base, la compassion et la sagesse, dans les comportements économiques, éducatifs et politiques, dans un esprit de responsabilité globale. C’est ce qu’il nomme le développement de « ariya vinaya », la conduite noble (ou la conduite des esprits nobles).
« Dans la pensée et la pratique bouddhiques le concept d’ariya fait référence à la qualité devant guider le chemin vers l’Eveil et la vie noble. L’essence de vinaya réside dans la compréhension de la vérité éternelle au sujet du noble chemin. Par conséquent ariya vinaya est un processus dynamique de notre pensée et de notre action, et le mode de vie menant à la plus haute réalisation. C’est une révolution et un combat quotidien pour le changement à l’intérieur de nous-même. Les implications de ce changement sont pertinents à la fois pour l’individu et la société. Cette lutte ininterrompue implique de reconnaître nos traits négatifs telles que l’avidité, la haine et l’ignorance. En termes d’idéal, ariya vinaya est une approche holistique de la paix, du développement, et de la vie en société, fondée sur une conception bouddhique du monde (…)
ariya vinaya est une vision bouddhique du monde qui est particulièrement pertinente en raison des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Les problèmes tels que la pauvreté, le sous-développement, la violence structurelle, les guerres, la transformation dans les relations entre l’homme et la nature, et les conséquences du modèle de développement adopté, ne peuvent pas être compris simplement en termes de politique gouvernementale. Il est urgent de reconnaître la crise spirituelle qui engloutit l’humanité. Par conséquent les réponses passeront nécessairement par des moyens spirituels. Il n’est pas obligatoire que vinaya soit statique. C’est également un processus continuel d’introspection qui doit provoquer de nouveaux aperçus et fournir de nouvelles interprétations à nos valeurs et traditions. Ceci permettra non seulement d’en préserver la continuité mais également d’assurer leur pertinence pour notre époque et les situations changeantes (…)
Il n’y a aucun doute que les valeurs de démocratie, liberté et égalité sont ancrées dans nos anciennes traditions. Dans une perspective bouddhique la signification de liberté est beaucoup plus large que l’interprétation occidentale. La notion bouddhique inclut le fait d’être libéré de l’avidité, de la haine et de l’ignorance. Mais de quelle façon pouvons-nous traduire la libération individuelle en termes de liberté collective au sein de nos sociétés ? C’est ici que je reconnais les obstacles humains au nom de la religion, de la culture et des systèmes sociaux. De ce contexte naissent la nécessité et la signification de la justice. Cette idée de justice est fondamentale et pertinente pour comprendre le sens de la liberté et de l’égalité dans une société. L’oligarchie aux Etats-Unis, la démocratie de l’élite en Occident, et l’Inde en tant que plus grande démocratie au monde, sont de pauvres reflets de notre idée de justice dans une démocratie politique. Le combat, par conséquent, ne peut être défini en termes de modernité contre tradition. Dans le combat pour réaliser la liberté, l’égalité et la justice nous rétablissons tout simplement la vérité et la base de vie qui fut déniée à l’humanité ordinaire. Il y a une forme de sacré dans notre reconnaissance de la vérité. La reconnaissance de la souffrance est le début de la connaissance. »
Sulak Sivaraksa vise dans toutes ses actions à impliquer largement tous les responsables religieux, au sujet desquels il est tout particulièrement critique. Lors d’une récente conférence aux Nations Unies il déclarait :
« Les responsables religieux peuvent aisément être la proie de l’illusion et de l’arrogance. Fréquemment ces personnalités succombent à la séduction de l’Etat, de l’argent ou de la gloire, et ainsi ferment-ils les yeux sur les souffrances des pauvres et des personnes marginales. Ils affichent parfois un mode de vie luxueux et ostentatoire. Tout simplement, ils ne vivent pas ce qu’ils prêchent. Si nous devenons de bons compagnons [note 3] pour de tels responsables religieux ils peuvent redécouvrir les vertus d’humilité et de simplicité et peuvent s’efforcer de réduire leur hypocrisie. Ils peuvent même acquérir un niveau élevé sur le plan éthique et religieux, refusant de faire des courbettes au pouvoir politico-économique. »
Divers groupes d’étude et d’action sont directement affiliés à l’INEB, ces groupes ayant pour but de replacer les valeurs bouddhiques au sein des activités de la société en impliquant directement les communautés laïques et monastiques, chacune dans leur rôle respectif. De nombreux autres organismes (associations interreligieuses, de développement, de chefs d’entreprises, etc. ) collaborent également à ses actions. Tout ceci contribuant à créer un véritable mouvement de régénération au sein du bouddhisme en Thaïlande qui, pour de nombreuses raisons (entre autres du fait de son statut de « religion d’Etat »), s’enlise lentement dans la sclérose.
Dhammapada Atthakathâ, Livre 15, Sukha Vagga, 1
Le Bouddha ne s’est jamais contenté de simplement parler en faveur de la paix ou d’être lui-même pacifié. Il a été actif dans la promotion de la paix en essayant de stopper la guerre. Lorsque des membres de sa famille (au sens large) furent sur le point de combattre pour s’approprier les eaux de la rivière Rohinî, le Bouddha ne prit pas partie, ne les incita pas à agir d’une manière ou d’une autre, ne leur donna aucun conseil tactique, pas plus qu’il ne leur dit d’être sans pitié avec leurs adversaires comme un « Dieu » aurait pu le faire. A la place il s’interposa entre les deux factions et leur enseigna la valeur de la vie humaine au-dessus de toute autre chose. Les deux camps déposèrent les armes et la paix fut restaurée. Le Bouddha avait abandonné la haine et empli son esprit d’amour et de compassion, aussi lui était-il impossible d’approuver la guerre.
« Heureux vivons-nous ».
Ce sermon fut délivré par le Maître lorsqu’il résidait parmi les Sâkyas, désirant illustrer la cessation de la querelle entre membres de la même famille.
L’histoire rapporte que les Sâkyas [note 1] et les Koliyas avaient retenu les eaux de la rivière Rohinî en édifiant un seul barrage entre la cité de Kapilavatthu [note 2] et la cité de Koliya, et avaient pu ainsi cultiver leurs champs sur les deux berges de la rivière. Il arriva alors que, au cours du mois de Jetthamâla [note 3] les récoltes venant à baisser, les ouvriers employés par les habitants des deux cités se réunirent.
Les habitants de la cité de Koliya déclarèrent :
« Si cette eau est dirigée vers les deux côtés de la rivière, il n’y en aura pas suffisamment à la fois pour nous et pour vous. Mais nos récoltes pourront croître avec un seul arrosage. Par conséquent laissez-nous prendre l’eau. »
Ce à quoi les Sâkyas rétorquèrent :
« Après que vous aurez rempli vos entrepôts, nous n’aurons pas le coeur de prendre de l’or et des bijoux, des sacs et des paniers à la main, et d’aller de maison en maison quérir vos faveurs. Nos récoltes aussi pourront croître avec un seul arrosage. Aussi, laissez-nous prendre l’eau.
- Nous ne vous la donnerons pas.
- Nous non plus ! Vous ne l’aurez pas. »
Les discussions devinrent plus âpres, jusqu’à ce que l’un des membres de l’assemblée se lève et porte un coup à un autre. L’autre retourna le coup et un combat général s’ensuivit, les combattants envenimant les choses en insultant les origines des deux familles royales.
Les ouvriers des Koliyas lancèrent :
« Vous qui vivez dans la cité de Kapilavatthu, prenez vos enfants et retournez d’où vous venez. Allons-nous nous laisser mettre en danger par les éléphants, les chevaux, les boucliers et les armes de ceux qui, tels les chiens et les chacals, ont cohabité avec leurs propres soeurs ? »
Les ouvriers employés par les Sâkyas répliquèrent :
« Vous les lépreux, prenez vos enfants et retournez d’où vous venez. Allons-nous nous laisser mettre en danger par les éléphants, les chevaux, les boucliers et les armes de hors-castes souffreteux qui ont vécu dans les jujubiers tels des animaux ? »
Les deux groupes d’ouvriers s’en allèrent pour informer de cette querelle les ministres ayant la charge du travail, et les ministres en informèrent à leur tour les personnages royaux.
Immédiatement les Sâkyas sortirent de leur cité en armes et vociférant :
« Nous allons leur montrer la force et la puissance de ceux qui ont cohabité avec leurs soeurs ! »
De la même manière les Koliyas sortirent de leur cité en armes et vociférant :
« Nous allons leur montrer la force et la puissance de ceux qui ont vécu dans les jujubiers ! »
A ce moment-là, alors que le Maître survolait mentalement le monde à l’aube et qu’il vit ses parents, il pensa :
« Si je m’abstiens d’aller rencontrer ces hommes ils vont se détruire. C’est clairement mon devoir que d’aller les voir. »
Immédiatement il se déplaça à travers l’espace vers l’endroit où ses parents étaient rassemblés, et s’assit dans les airs, jambes croisées, au milieu de la rivière Rohinî. Lorsque les parents du Maître le virent ils jetèrent leurs armes et s’inclinèrent devant lui.
Le Maître dit alors à ses parents :
« Pourquoi cette querelle, grand roi ?
- Nous ne savons pas, ô Bienheureux !
- Qui pourrait alors le savoir ?
- Le commandant en chef devrait le savoir. »
Le commandant en chef de l’armée dit : « Le vice-roi devrait le savoir. »
Ainsi le Maître posa la question d’abord à l’un puis à l’autre, interrogeant les esclaves en dernier. Les esclaves répondirent :
« Nous nous querellons au sujet de l’eau, ô Bienheureux. »
Le Maître demanda alors au roi :
« Quelle est la valeur de l’eau, grand roi ?
- Très peu de valeur, ô Bienheureux.
- Quelle est la valeur des Khattiyas [note 4], grand roi ?
- Les Khattiyas sont sans prix, ô Bienheureux.
- Il n’est pas correct qu’à cause d’un peu d’eau vous détruisiez des Khattiyas qui sont sans prix. »
Ils demeurèrent silencieux. Alors le Maître leur adressa la parole et dit :
« Grands rois, pourquoi agissez-vous de cette façon ? Si je n’étais pas intervenu aujourd’hui vous auriez versé des torrents de sang. Vous avez agi d’une manière totalement déplacée. Vous vivez dans l’inimitié, vous laissant aller aux cinq catégories de haine. Je vis libre de haine. Vous vivez affligé de la maladie des passions néfastes. Je vis libre de maladie. Vous vivez dans la poursuite avide des cinq catégories de plaisir sensuel. Je vis libre de toute recherche avide. »
Ayant ainsi parlé il prononça les stances suivantes :
« Heureux vivons-nous libre de haine parmi ceux qui haïssent. Au milieu des hommes hostiles demeurons sans hostilité.
Heureux vivons-nous libre de maladie (de l’esprit) parmi ceux qui sont affligés par la maladie. Au milieu des hommes malades demeurons en parfaite santé.
Heureux vivons-nous libre de désir parmi ceux qui sont obsédés par le désir. Au milieu des hommes avides demeurons libre d’avidité. »
Ces paroles du Bouddha constituent, dans le Dhammapada, les trois premiers versets (197, 198 et 199) du chapitre « Le Bonheur » (Sukha Vagga). [note 5]

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