Fabrice Midal
Introduction
Une des meilleures manière d'entrer au coeur d'une tradition spirituelle est d'examiner la manière dont elle permet à ses membres de vivre ce qui la constitue (par exemple : Qu'est-ce qui permet à un bouddhiste d'être bouddhiste ?).Au-delà de la liturgie et des règlements qu'elle observe, des dogmes qu'elle prône, des cérémonials qu'elle suit, une tradition se vit dans un ensemble de pratiques : que celles-ci soient des rituels, des prières, des méditations ou des contemplations.
Pour qu'une pratique soit Traditionnelle elle ne peut avoir été inventée par un individu particulier. Elle doit reposer sur une lignée qui en a sondé l'authenticité spirituelle. Tel est le sens même de la transmission, qui n'est pas seulement l'enseignement d'une technique, mais le don d'une influence spirituelle sans laquelle aucune pratique ne peut être fertile.
Nous voilà ainsi libérés de toutes ces voies de développement personnel qui pullulent aujourd'hui et réduisent tant de gens à n'être plus que des consommateurs de spiritualité.
Nous étudierons ici la portée de la transmission qui fait du bouddhisme indo-tibétain une voie ésotérique traditionnelle d'autant plus importante que des maîtres vivants incarnent toujours aujourd'hui la vérité de son enseignement.
En effet, la transmission n'a de sens que pour autant qu'il existe des maîtres réalisés qui manifestent et exercent la vérité de la pratique. A quelqu'un qui lui demandait pourquoi il était devenu bouddhiste et non pas chrétien, Matthieu Ricard répondit que, s'il avait rencontré des saints François d'Assise, il serait devenu chrétien. Ayant rencontré des saints tibétains, il a décidé de suivre cette tradition.
Un saint, de ce point de vue, n'est pas un qualificatif accordé par les hommes d'une religion sur la base de vertus qu'ils ont reconnues, mais est la caractéristique d'un accomplissement humain mené à sa plus haute plénitude. Y a-t-il plus profond signe de la vérité d'une voie que la présence de saints qui en assurent la pérennité ?
Transmission
Dans la perspective du bouddhisme indo-tibétain, le coeur du cheminement spirituel se donne dans la réception des enseignements d'un saint, c'est-à-dire d'un maître qualifié par sa sainteté.
Le grand Tsongkhapa écrit ainsi :
"Suivre un maître bienveillant, fondation de toutes les perfections,
Est la racine et le fondement de la voie.
Accordez-moi votre grâce afin que je voie cela clairement
Et fasse tous les efforts pour bien le suivre."(note 1)
La relation au guru constitue la structure fondatrice de tout accomplissement spirituel. Il ouvre la possibilité d'une expérience dont les dimensions sont plus vastes que soi-même. Il montre qu'il existe, au-delà de notre vie habituelle, la possibilité d'une existence plus profonde.
Mystique, la voie bouddhique consiste à être exposé à une réalité qui n'a nul besoin d'être analysée (c'est-à-dire décomposée suivant un ordre logique), qui ne repose sur aucun acte de foi, aucune croyance, aucune compréhension intellectuelle mais qui se doit d'être éprouvée dans " ne âme et un corps".
Tous les discours d'intellectuels ces êtres qui jouent avec les concepts sans que cela ne les engage véritablement sont des impostures quand ils prétendent rendre compte du domaine ésotérique. Un tel ordre échappe par avance à toute saisie intellectuelle.
La transmission d'une influence spirituelle, par un maître vivant qui en est le détenteur, est le signe d'un rattachement à la Tradition. Le maître relie le pratiquant à une lignée et le fait ainsi sortir des limites habituelles de son expérience. Il peut s'ouvrir à un champ trans-personnel. Il ne faut pas prendre cette dimension spirituelle, liée à la contemplation de l'ultime, pour un mysticisme. René Guenon définit ce dernier terme comme : "quelque chose de tout à fait spécial au Christianisme, et ce n'est que par des assimilations erronées qu'on peut prétendre en trouver ailleurs des équivalents plus ou moins exacts (...)
Le mysticisme appartient tout entier, par définition même, au domaine religieux, donc relève purement et simplement de l'exotérisme ; et, en outre, le but vers lequel il tend est assurément loin d'être de l'ordre de la connaissance pure. D'autre part, le mysticisme, ayant une attitude "passive" et se bornant par conséquent à recevoir ce qui vient à lui en quelque sorte spontanément et sans aucune initiative de sa part, ne saurait avoir de méthode."(note 2) René Guénon distingue ce terme de la mystique, où il ne s'agit pas pour "un individu" de s'ouvrir à une expérience quelconque pour en jouir, mais de se dissoudre comme individu singulier et auto-référencé.
C'est là la faiblesse du terme expérience que l'on entend trop vite comme une expérience vécue personnelle. La grande difficulté de toute voie mystique est que son universalité ne réside pas dans l'abstraction de conceptions du monde et de concepts articulés les uns aux autres, mais dans une expérience qui, dans son unicité, est cependant sans limite.
Mystique vient du verbe grec muein "fermer", "être fermé", qui provient probablement d'une onomatopée mu symbolisant un son inarticulé. Le sens est donc celui de quelque chose qui ne peut être dit, de secret. Mais le secret n'est pas à entendre au sens banal de quelque chose que je sais et que je ne veux pas dire, mais de quelque chose qui ne peut pas se dire. Tout véritable secret dans un chemin initiatique renvoie à ce phénomène humain très profond selon lequel aucune expérience spirituelle n'est dicible. Une telle transmission ne peut être accomplie par la lecture de livres. Les livres qui, si nombreux aujourd'hui, prétendent dévoiler toutes les arcanes des chemins ésotériques peuvent fleurir, ils ne simplifient nullement l'ardu chemin pour s'ouvrir à "l'abandon final".(note 3)
Transmettre implique certes une parole, mais qui ne se donne comme telle qu'en rapport à deux autres niveaux. Il faut distinguer une transmission qui opère par symboles et une qui transmet de manière directe et nue l'inconditionnel. Panacée qui soigne tous les maux, une telle transmission est le cadeau qu'il faut une vie tout entière pour apprendre à recevoir apprentissage qui devient la compréhension que ce don n'est autre que le libre déploiement de l'espace sans point de référence. Il n'y a donc pas quelqu'un qui peut recevoir de don, mais il nous faut reconnaître l'impossibilité de tout effort pour être, selon la demande de Saraha : "non mutilés dans la nature essentielle de la Conscience en éveil immaculée !"(note 4)
Un tel chemin est bien abrupt. Il demande de tout abandonner pour se laisser être apprivoisé par la présence pure. Nous sommes très habiles pour subtilement éviter un tel appel. Nous trichons. Nous faisons semblant.
La voie mystique est une voie du dénuement : il faut se dépouiller de tous nos masques. Un tel abandon n'est pas possible si le maître ne nous y invite pas par son exemple. Par amour pour lui, par amour pour un éveil qui prend une forme personnelle et tangible, on accepte de faire un saut un saut dans l'abîme qui ne peut plus être mesuré d'aucune manière.
Le maître ne nous est pas fondamentalement extérieur, il nous permet de rencontrer le Bouddha en nous-mêmes. Il ne peut pas non plus être uniquement intérieur, car le risque d'en faire une projection d'un être que nous aurions idéalisé est grand.
Dilgo Khyentsé explique ainsi :
"Au plan absolu, le maître spirituel ne fait qu'un avec la véritable nature de l'esprit, l'essence de la bouddhéité ou tathâgatagarbha. Mais c'est grâce aux profonds enseignements que dispense le maître extérieur (ou relatif) que l'on peut accéder à la réalisation du maître intérieur (ou absolu), qui est pur Éveil".(note 5)
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