LA COMPREHENSION JUSTE
Le premier facteur du Chemin Octuple est la Compréhension Juste qui est la conséquence d’avoir pénétré, d’avoir vu les trois premières Nobles Vérités. Si cette réalisation a eu lieu, alors on possède la Compréhension Parfaite du Dhamma – la vision claire que « Tout ce qui est de nature à apparaître est également de nature à disparaître ». C’est aussi simple que ça. Il n’est pas nécessaire de passer beaucoup de temps à lire et à relire « Tout ce qui est de nature à apparaître est de nature à disparaître » pour comprendre la phrase, mais cela demande pas mal de temps à la plupart d’entre nous pour réellement connaître la signification profonde de ces mots plutôt que leur simple sens conceptuel.
La vision, ou connaissance intérieure, appartient en fait au domaine de l’intuition, au-delà de celui des idées, des opinions. Il ne s’agit plus de « Je pense que je sais… », ou encore « OK, ça semble raisonnable, logique. Je suis d’accord avec ça. J’aime ces idées… ». Ce type de savoir est purement cérébral, intellectuel, alors que la connaissance intérieure est profonde. Il s’agit de quelque chose de vraiment perçu, de manière intuitive, au-delà du doute.
Cette connaissance profonde résulte des neuf réalisations précédentes. Il y a donc un enchaînement qui aboutit à la compréhension juste des choses telles qu’elles sont – c’est-à-dire que tout ce qui est de nature à apparaître est de nature à disparaître, de nature impersonnelle, dénuée de substance. Quand la Compréhension Juste est présente, vous avez lâché l’illusion de l’ego, d’une personnalité inaltérable et pourtant dépendante de conditions éphémères, mortelles – concept qui est en soi contradictoire. Le corps demeure, les sensations et les pensées subsistent, mais ils sont simplement ce qu’ils sont – la croyance que nous sommes notre corps ou nos opinions disparaît. Nous accordons de l’importance aux choses telles qu’elles sont. Nous n’essayons pas de dire que ces phénomènes n’ont aucune réalité ou qu’ils sont différents de ce qu’ils sont. Ils sont exactement ce qu’ils sont et rien de plus. Mais, quand la compréhension juste est absente, lorsque nous ne comprenons pas ces vérités, nous avons tendance à attribuer aux choses une substance, une personnalité qui n’existe que dans notre esprit. Nous croyons voir alors toutes sortes de choses et nous créons d’innombrables problèmes liés aux conditions dont nous faisons l’expérience.
L’angoisse et le désespoir qui nous affligent, nous les humains, viennent de ce qui est ajouté, créé, causé par la présence de l’ignorance au moment présent. C’est bien attristant de se rendre compte que la misère et l’angoisse de l’humanité trouvent leur source dans une illusion – une sorte d’hallucination collective. Le désespoir est vide et n’a pas de raison d’être. Quand vous voyez cela, vous commencez à ressentir une immense compassion pour tous les êtres vivants. Comment pouvons-nous haïr ou montrer de l’animosité envers quelque individu que ce soit, quand nous savons qu’il est prisonnier de l’ignorance ? C’est à cause d’un malentendu terrible que tous les êtres sont conditionnés à agir comme ils le font.
Lorsque nous méditons, nous pouvons faire l’expérience d’un niveau de paix, de tranquillité relatif au ralentissement de l’activité mentale. Si notre esprit est calme et que nous regardons une fleur, par exemple, nous la voyons telle qu’elle est. Quand il n’y a aucun attachement – rien à obtenir, rien à rejeter – si ce que nous voyons, entendons ou contactons par l’intermédiaire de nos sens est quelque chose de beau, de raffiné, dans ce cas, cette chose est vraiment belle. Nous ne sommes pas en train d’évaluer, de comparer, d’essayer de nous l’approprier, ni de la posséder ; ainsi, nous trouvons beaucoup de joie à apprécier simplement la beauté alentour, car nous n’éprouvons pas le besoin de l’utiliser à quelque fin que ce soit. Il n’y a rien à ajouter ni à supprimer.
Nous associons à la beauté une notion de pureté, de vérité et de sublimité. Il ne s’agit pas de la prendre pour un piège destiné à nous duper : « Ces fleurs sont ici pour me détourner du droit chemin ». C’est là une forme de puritanisme, la réaction d’un méditant aigri, intolérant. Si notre conscience est pure, nous pouvons apprécier la beauté d’une personne du sexe opposé sans désir de contact ni de possession. Quand la convoitise ou l’intérêt égoïste sont absents, nous pouvons nous réjouir de la beauté des autres, qu’ils soient hommes ou femmes. Il y a là honnêteté, appréciation des choses telles quelles sont. C’est la signification du mot libération – vimutti. Nous sommes libérés de ces liens qui déforment et corrompent la beauté environnante, celle du corps humain, par exemple. Nos consciences peuvent être tellement corrompues et négatives, déprimées et obsessionnelles en ce qui concerne certains phénomènes, que nous sommes incapables de les voir telles qu’ils sont. Si nous ne possédons pas la Compréhension Juste, nous voyons le monde à travers des filtres de plus en plus épais et trompeurs.
La Compréhension Juste doit être développée par la contemplation, en utilisant l'enseignement du Bouddha. Le Dhammacakkappavattana Sutta, particulièrement intéressant pour ce travail, constitue un moyen de référence utile à la réflexion. Nous pouvons également utiliser d’autres suttas du Tipitaka tels que ceux qui ont pour sujet la Loi sur l’Origine Dépendante – paticcasamuppada, un enseignement fascinant à étudier. Si vous contemplez votre expérience à travers ces enseignements, vous êtes en mesure de voir clairement la différence entre les phénomènes en tant que Dhamma et les illusions, les fabrications mentales que nous créons par habitude autour de ce qui est en réalité impersonnel. C’est pour cette raison que nous devons établir très consciemment une ferme attention aux choses telles qu’elles sont. Si la compréhension des Quatre Nobles Vérités est présente, alors le Dhamma est présent.
Avec la Compréhension Juste, toute manifestation est perçue en tant que Dhamma. Par exemple, nous sommes assis ici… ceci est Dhamma. Nous n’attribuons pas, ni à ce corps ni à cet esprit, une personnalité pourvue de toutes ses opinions et idées, de toutes les pensées et réactions conditionnées acquises par ignorance. Nous contemplons, l’attention fermement établie dans le présent : « C’est ainsi. Ceci est Dhamma ! » Nous gardons à l’esprit la compréhension que cette formation physique est simplement Dhamma. Ce n’est pas là l’ego : c’est impersonnel.
De la même façon, nous voyons la sensibilité de cette formation physique en tant que Dhamma, au lieu de la considérer comme quelque chose de personnel : « Je suis sensible !… Je ne suis pas sensible !… Tu ignores ma sensibilité !… Qui est le plus sensible ?… Pourquoi faisons-nous l’expérience de la douleur ?… Pour quelle raison Dieu a-t-il créé la souffrance ?… Pourquoi n’a-t-il pas créé uniquement le plaisir ?… Pourquoi y-a-t-il tant de tourments dans le monde ?… C’est injuste, les gens meurent et nous devons être séparés de ceux que nous aimons !… Ressentir l’angoisse est horrible… »
Il n’y a pas de Dhamma là-dedans, n’est-ce pas ? Tout est pris au niveau personnel – « Pauvre de moi ! Je n’aime pas ceci… Je ne veux pas de ça… Ce que je désire, c’est la sécurité, le bonheur, le plaisir et tout ce qu’il y a de mieux… Ça n’est pas normal que ces choses ne me soient pas données. C’est injuste que mes parents n’aient pas été des individus complètement accomplis spirituellement… C’est anormal que ceux qui nous dirigent – nos leaders politiques – ne soient pas des modèles de sagesse et de vertu… Si tout était juste, on élirait des Arahants comme Président de la République… »
Bien évidemment, j’exagère et j’essaye de faire apparaître le côté absurde de ce sentiment de « Ça n’est pas normal, ça n’est pas juste » poussé au point où l’on attend de Dieu qu’il crée tout pour nous et nous offre un bonheur inaltérable. C’est ainsi que beaucoup de gens pensent, même s’ils ne le disent pas tout haut. Mais, lorsque nous réfléchissons correctement, nous voyons : « C’est de cette façon que sont les choses. La douleur est comme ci et le plaisir comme ça. Ainsi va l’expérience consciente ! » Nous acceptons pleinement, consciemment notre expérience sensible, émotionnelle. Nous respirons. Cette attitude nous permet d’aspirer à la libération.
Quand notre réflexion s’aligne sur le Dhamma, nous contemplons notre propre humanité telle qu’elle est. Nous cessons de la considérer à un niveau personnel ou de reporter la faute sur quelqu'un d'autre si les choses ne sont pas exactement comme nous aimerions ou voudrions qu’elles soient. Les choses sont ce qu’elles sont et nous sommes tels que nous sommes. Vous pouvez vous demander pourquoi nous ne pouvons pas être tous absolument identiques – avec la même tendance à la colère, la même convoitise et la même ignorance – sans cette infinité de variations et de permutations. Cependant, même si nous réalisons que l’expérience humaine se limite à quelques phénomènes élémentaires communs, chacun d’entre nous doit faire l'expérience de son propre kamma, c’est-à-dire de toutes ses obsessions et habitudes particulières, toujours différentes – en qualité et en intensité – de celles d’une autre personne.
Pour quelle raison ne pouvons-nous pas être tous égaux, être tous dotés des mêmes attributs, et nous ressembler en tout – spécimen unique et androgyne ? Dans un tel monde, il n’existerait pas d’injustice, les différences n’auraient pas cours, tout serait absolument parfait et l’inégalité impossible. Mais, en reconnaissant le Dhamma, nous réalisons que, dans un monde où tout n’est que condition dépendant d’une infinité d’autres conditions, il n’existe pas deux choses identiques. Elles sont toutes différentes, infiniment variables et changeantes, et plus nous essayons de conformer tous ces phénomènes conditionnés à nos idées, plus nous sommes frustrés. Nous tentons de façonner l’autre et la société de façon à ce qu’ils correspondent à nos idées sur la nature et le fonctionnement des choses, mais nous finissons toujours par nous sentir spoliés. Si nous contemplons avec sagesse, nous réalisons que c’est ainsi, que ceci est la façon dont les choses doivent être, qu’il n’y a pas d’autre manière possible.
Mais il ne s’agit pas d’une attitude fataliste ou négative. Ça n’est pas du tout dire : « C’est ainsi et il n’y a rien à faire à ce sujet ! » Il s’agit, bien au contraire, d’une réponse très positive qui consiste à accepter le flot de la vie pour ce qu’il est. Même si cela diffère de ce que nous voulons, nous pouvons l’accepter et consentir à apprendre de l’expérience.
Nous sommes des êtres conscients, intelligents, capables de mémoriser ce que la vie nous apprend. Nous communiquons grâce au langage. Au cours de plusieurs millénaires, nous avons développé la raison, la logique et notre faculté d’analyse. Ce qu’il nous reste à faire, c’est comprendre de quelle façon utiliser ces capacités comme outil pour la réalisation du Dhamma, plutôt que d’en faire des acquisitions ou des problèmes personnels. Les gens qui ont développé leur faculté d’analyse finissent souvent par l’exercer à leur encontre. Ils s’enlisent dans l’autocritique et en arrivent même parfois à se détester. Cela se produit car nos facultés à discriminer ont tendance à se focaliser sur ce qui va mal. C’est de cette manière que fonctionne la discrimination : distinguer comment ceci est différent de cela. Que se passe-t-il quand vous le faites à propos de vous-mêmes ? C’est bien simple, vous échafaudez une liste entière de fautes et d’imperfections qui vous donnent le sentiment d’être un cas complètement désespéré.
Quand nous développons la Compréhension Juste, nous nous servons de notre intelligence pour réfléchir et contempler. Nous utilisons également notre capacité à être attentifs, à être réceptifs à la réalité du moment. Quand nous contemplons ainsi, nous employons simultanément notre sagesse et notre attention. Dans ce cas, nous exploitons notre capacité à analyser, à distinguer avec sagesse – vijja, au lieu d’agir sous l’influence de l’ignorance – avijja. Cet enseignement des Quatre Nobles Vérités est à votre disposition pour vous aider à utiliser, d’une manière sage, votre intelligence – votre capacité à contempler, réfléchir et penser – plutôt que de sombrer dans une spirale de convoitise, de cruauté ou d’autodestruction.
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