Le bardo du rêve - 1/12
Chépa Dorjé Rinpoché - Paris, le 19 mars 2001
Production de l’Esprit de l’Eveil -
la pratique du Dharma comme méthode pour éradiquer les facteurs
perturbateurs de l’esprit / Le Bardo du Rêve : assimiler le Bardo de la
Naissance pour comprendre le Bardo du Rêve - reconnaître que toutes les
perceptions de jour comme de nuit sont illusoires.
La motivation préalable à l’écoute de l’enseignement est
de penser qu’afin d’établir l’infinité des êtres – en nombre aussi
vaste que vaste est l’espace – en l’état de bouddhas, nous allons
procéder à l’écoute de cet enseignement sur les Bardos (états
intermédiaires).
Le Dharma,
c’est l’ensemble des méthodes qui permettent d’éradiquer tous les
facteurs perturbateurs ou kleshas. Si, par l’écoute de l’enseignement,
plutôt que de dissiper, d’affaiblir, d’éliminer progressivement tous les
kleshas, il s’avérait qu’ils ne faisaient que croître, c’est que notre
étude, notre écoute du Dharma,
de la Voie Spirituelle ne serait pas correcte. De toute façon, que nous
soyons bouddhistes ou non, que nous prétendions être bouddhistes, que
nous adhérions ou pas à un autre système spirituel ou philosophique,
finalement, quel est l’intérêt d’écouter l’enseignement si ce n’est de
progressivement s’engager dans l’affaiblissement puis l’éradication
totale et définitive de tous les kleshas, ces poisons de l’esprit ?
Notre esprit est un peu semblable aux giboulées de
printemps. Très vite il peut s’assombrir, être parcouru de pensées
négatives, être affaibli, attristé, soumis aux facteurs perturbateurs. A
d’autres moments, à la faveur d’autres circonstances tout à fait
provisoires, il peut au contraire connaître un certain répit, une
certaine paix, un certain bonheur, une certaine aise : le bonheur
apparaît à certains moments et disparaît à d’autres moments pour laisser
place à la souffrance. Telle est notre situation actuelle, pareille à
certaines saisons où nous voyons très vite succéder un peu de soleil, un
peu de pluie et ainsi de suite.
Si nous n’avons aucun contrôle sur cela, aucune liberté
par rapport à ces phénomènes, c’est que notre esprit est soumis aux
poisons de l’esprit, c’est-à-dire aux facteurs perturbateurs, les
kleshas. C’est parce qu’ils sont présents et qu’ils nous dominent en
quelque sorte, que nous ne pouvons pas avoir une quelconque maîtrise sur
ces états de conscience d’esprit soit positif, soit négatif.
Donc, ce à quoi il faudrait arriver, c’est à une
certaine égalité d’esprit, un état d’esprit qui désormais ne serait plus
soumis à des fluctuations brusques et soudaines comme ces nuages dans
le ciel. Et pour accéder à de telles méthodes, il faut s’en référer à un
guide spirituel. C’est lui-même qui arrivera à instruire le disciple en
les méthodes qui permettent d’arriver à une certaine stabilité ou
pacification de l’esprit. Et c’est en s’appliquant à pratiquer ce qui
lui aura été enseigné que le disciple pourra obtenir un tel fruit.
Nous pouvons dire que, de par le monde, dans notre
univers, il existe beaucoup de sortes de maîtres, des maîtres
bouddhistes, des maîtres non bouddhistes, des maîtres dans toute sorte
de disciplines. Quel est le but des enseignements que prodiguent tous
ces maîtres si ce n’est d’arriver à établir dans notre esprit une
certaine sérénité ? Si nous les suivons, si nous appliquons correctement
leurs instructions –lorsque bien sûr elles sont valables – nous
atteindrons un tel but.
De par le passé des maîtres ont pu appliquer,
expérimenter de telles instructions, en obtenir le fruit et finalement
les transcrire pour en faire des textes auxquels nous pouvons nous
référer aujourd’hui.
Le Bardo du Rêve
Dans cette étude des Six Bardos ou états intermédiaires, nous en sommes au Bardo du Rêve.
Le rêve, c’est à proprement parler l’illusion, l’erreur,
la méprise. En fait, nous n’avons pas de liberté par rapport à l’état
de rêve, il arrive sans que nous puissions le contrôler. Il vient, il
apparaît, même si nous ne voulons pas. Et, de même, nous en sortons sans
contrôle non plus. Pour obtenir la maîtrise de ce Bardo du Rêve, de cet
état intermédiaire, il faut apprendre les méthodes adéquates.
D’abord assimiler le Bardo naturel de cette vie cette
pour comprendre le Bardo du Rêve
Si nous arrivons à bien assimiler ce qu’est ce Bardo naturel de cette
vie, il sera tout à fait possible d’assimiler aussi ce qu’est la nature
du Bardo du Rêve.
Il y a 3 étapes :
1. la reconnaissance de ce qu’est le Bardo du Rêve.
2. la transformation du Bardo du Rêve,
3. la dernière étape.
Aujourd’hui, nous allons parler de la première étape.
Actuellement, quand nous sommes dans l’état de Rêve,
nous n’avons pas conscience que nous rêvons, nous sommes un peu comme
illusionnés, trompés par cet état et nous ne savons pas que nous rêvons.
Il convient préalablement d’identifier que notre esprit se trouve en
état de rêve.
Nous avons bien dit que pour comprendre ce que
constituait le Bardo du Rêve, il fallait avoir préalablement bien
assimilé la nature véritable du Bardo naturel de cette vie. Or si nous
comprenons que cet état du Bardo de cette vie n’est en lui-même qu’une
fabrication mentale, quelque chose qui n’a pas de fondement véritable,
intrinsèque, nous arriverons encore plus facilement à identifier le
Bardo du Rêve comme étant de cette nature illusoire aussi.
Si par notre pratique nous arrivons à voir que notre
expérience du monde est semblable à l’état de rêve, nous percevrons
encore plus facilement l’état de rêve pour ce qu’il est, et n’en serons
plus dupes.
Si nous arrivons à bien comprendre par la pratique cette
véritable nature, viendra infailliblement le moment où cela deviendra
une évidence pour nous. La bonne compréhension du Bardo naturel de cette
vie fera percevoir que tous les domaines de l’existence conditionnée,
tous les domaines du monde, du périssable, de l’éphémère, sont
semblables à un rêve, une illusion. Sur cette base-là, nous pourrons
encore plus facilement comprendre que toutes les apparences, y compris
celle du rêve, sont trompeuses. Dès lors qu’une telle compréhension naît
en notre esprit, si nous arrivons à la saisir, s’y appliquer, la
répéter, la reproduire, elle deviendra en quelque sorte quasi
automatique.
Par exemple, ce soir nous sommes réunis dans cette
pièce. Vous, vous êtes là, vous écoutez, moi j’enseigne, et le
traducteur traduit. Si nous arrivions à percevoir que même cette
situation présente est un peu comme un rêve, comme quelque chose qui n’a
pas d’essence très concrète, tangible, puis, que les perceptions du
jour et celles de la nuit sont de même nature, ce serait extrêmement
bénéfique. Il n’y a aucune différence quant à la nature des perceptions
que nous pourrions avoir dans l’état de veille –pendant la journée – et
celles de la nuit.
Par assimilation, petit à petit, nous comprendrons
notamment que la souffrance n’a pas de fondement, de nature véritable,
fondamentalement établie. Actuellement nous faisons une forte expérience
du bonheur et de la souffrance – et plus particulièrement, ce qui est
plus dérangeant – de la souffrance, parce que nous saisissons fortement
ces expériences. Nous leurs donnons un caractère véritable, intrinsèque.
Si nous arrivons à en percevoir le caractère inessentiel, vide de
substance, cette souffrance aura moins prise sur nous. Puis elle n’aura
plus de prise sur nous ; nous en serons en quelque sorte délivrés.
Parfois nous avons des rêves agréables, d’autres fois
des cauchemars. Mais les rêves agréables, nous ne les reconnaissons pas
comme non établis fondamentalement, dénués de nature véritable, et donc
comme …des rêves.
Quant aux expériences négatives ou déplaisantes, il
pourrait se faire que certains d’entre nous et dans certaines occasions,
nous ayons la conscience, alors même que nous rêvons, que les
expériences n’ont pas de fondement et que nous arrivions à prendre de la
distance par rapport à ces rêves qui pourraient susciter en nous de
très grandes peurs. Il peut se faire, alors que même quand nous rêvons,
que nous arrivions à nous distancier par rapport à l’expérience et à la
prendre comme quelque chose qui n’a pas de fondement. Cela est quelque
chose de bien que nous devons cultiver et renforcer encore. Si lors d’un
d’un cauchemar effrayant nous arrivons à avoir un éclair de lucidité et
à nous dire qu’au fond, ce n’est qu’un rêve qui n’a pas de réalité,
nous arriverons petit à petit à assimiler toute l’expérience de rêve et
son contenu – positif ou négatif – comme étant illusoire. Nous nous
dirons que ce n’est qu’un rêve et que nous n’avons pas de raison d’avoir
peur. Cette attitude sera extrêmement fructueuse, bénéfique et utile
lorsque nous serons confrontés au Bardo de la Dharmata et que
s’élèveront en nous les visions des déités paisibles et courroucées.
Arrivant à les percevoir pour ce qu’elles sont – des rêves, des
illusions – nous ne serons en rien effrayés par les aspects paisibles ou
extrêmement inquiétants qui pourraient s’élever dans notre esprit.
Il est dit qu’au Tibet de nombreux maîtres, de nombreux
moines ont fait beaucoup de retraites au cours desquelles ils se sont
entraînés à reconnaître la nature illusoire du Bardo du rêve et que,
pour cela, ils se sont bien évidemment appuyés sur les instructions qui
leur ont été données. Cela fait même l’objet de retraites intensives.
Comment se déroulent ces retraites au cours desquelles
nous nous employons à reconnaître la nature illusoire du rêve et à le
renvoyer à ce qu’il est, à son caractère non substantiel ? Quelles sont
les méthodes utilisées ?
Au Tibet, il n’y a pas d’électricité : on s’éclaire à la
bougie, des lampes à beurre. Avec sept lampes à beurre, nous avons
assez de lumière pour faire ce que nous avons à faire. Avec seulement
trois lampes à beurre, nous n’arrivons pas à dormir. Donc, il suffit de
réduire la lumière pour qu’ensuite quelqu’un qui n’est pas entraîné, la
nuit, s’endorme très rapidement. Au cours de ces retraites, le maître
allume un nombre de lampes qui au départ, empêchent son disciple de
dormir, et réduit ensuite la lumière de manière à ce que le disciple
sans entraînement s’endorme. Et ce qui se passe immanquablement, c’est
que la personne rêve. Au bout d’un certain temps, elle se réveille ou on
la réveille, et on lui pose la question : « As-tu rêvé ? » - « Oui ! » -
mais la personne n’a pas réussi au début à avoir la maîtrise de ce
rêve. Elle n’a pas reconnu qu’elle rêvait et son maître lui dit qu’elle
doit identifier le rêve pour ce qu’il est. Et ainsi de suite. Il y a
tout un processus d’apprentissage où la personne se rendort et à nouveau
on présente l’identification nécessaire : « A-t-elle eu lieu ou
non ? ». A nouveau l’instruction est donnée : au disciple de bien
prendre conscience de la nature illusoire du rêve qui va se produire
quand il va se rendormir.
Bien sûr les personnes qui auraient accepté de s’engager
dans de telles pratiques – être réveillées à intervalle régulier – au
début, sont contentes et adhèrent à l’expérience. Mais très vite, il se
pourrait qu’elles se mettent en colère et qu’elles disent : « Arrêtez de
me réveiller, laissez moi dormir ! » ; le but ne serait pas atteint. Si
nous interrompons le rêve, il est probable qu’un certain nombre
d’entre-nous ne seraient pas content au bout d’un certain temps… Je
plaisante.
Si nous avons de la foi et de la dévotion, non seulement
nous ne nous mettrons pas en colère, mais nous nous appliquerons aux
instructions du maître. Sans une foi suffisante, la dévotion et le
respect, il est à craindre que nous nous mettions en colère s’il nous
empêche de dormir. La dévotion, la foi, le respect à l’égard du maître,
la vénération, sont des qualités qui ne s’établissent pas facilement.
Certaines personnes l’ont, certes, déjà un peu rapidement, facilement,
mais pour d’autres il leur faut des raisons. Et il est préférable
d’établir cette foi, cette dévotion sur la base de raisons et de
connaître ces raisons pour lesquelles le maître est un être supérieur,
vis-à-vis duquel nous devons nourrir un profond respect, une profonde
dévotion. Il est certain qu’alors même que le maître vous réveille et
que vous auriez aimé continuer à dormir, non seulement vous ne vous
mettrez pas en colère, mais vous serez peut-être même content.
Cet entraînement doit être progressif et dépasser
largement l’état de rêve pour permettre de comprendre qu’aucune activité
n’a de fondement véritable, qu’elle est semblable à un rêve, sans
nature intrinsèque. D’arriver à voir que lorsque nous allons, venons,
nous nous asseyons, nous nous levons, mangeons, dormons, le jour, la
nuit, tout ceci est de la même nature. Et progressivement, nous
arriverons, par une perception de cette nature, à saisir que l’état de
rêve est rêve, qu’on rêve et que ce n’est pas une réalité.
Finalement, il ne faut pas s’inquiéter. Si nous arrivons
à identifier cet état de rêve pour ce qu’il est, au moment où nous
rêvons, non comme quelque chose de véritablement établi, non comme une
expérience de l’état de veille, mais vraiment comme un rêve et qu’il n’y
a rien à craindre. Ensuite, dans la journée, quand nous nous engageons
dans le travail qui permet de gagner notre vie, nous pourrons le voir de
la même manière, ainsi que toute chose par la suite. Mais de toute
façon, bien évidemment, il faut travailler, et si nous en venions à nous
dire : « C’est un rêve, donc je ne travaille plus. » - ce serait
embêtant. Nous ne pourrions plus manger. Pour vivre il faut bien
travailler, il faut bien des sous ! Si nous étions au Tibet, c’est
différent vous trouvez bien quelqu’un qui vous invite et vous donne de
quoi manger, mais ici il n’en est pas de même.
Une bonne manière de faire serait de consacrer la moitié
du temps à la pratique spirituelle et la moitié du temps au travail.
Pendant la pratique, nous nous entraînerions à bien comprendre que toute
expérience est de la nature du rêve, et pendant le travail, nous
verrions que cette période là est de la même nature, semblable à un
rêve. Et aussi, quand bien même vous gagneriez beaucoup d’argent à
travailler, vous considèreriez cet argent de la nature du rêve, comme
n’ayant pas de fondement. Il n’y a pas de quoi en faire une montagne.
Essayez maintenant d’avoir comme unique pensée que toute
cette expérience présente est de la nature du rêve et n’a pas de
réalité.
Source:http://www.dzogchenpa.net/spip.php?article205
Chépa Dorjé Rinpoché - Paris, le 19 mars 2001
Production de l’Esprit de l’Eveil -
la pratique du Dharma comme méthode pour éradiquer les facteurs
perturbateurs de l’esprit / Le Bardo du Rêve : assimiler le Bardo de la
Naissance pour comprendre le Bardo du Rêve - reconnaître que toutes les
perceptions de jour comme de nuit sont illusoires.
La motivation préalable à l’écoute de l’enseignement est
de penser qu’afin d’établir l’infinité des êtres – en nombre aussi
vaste que vaste est l’espace – en l’état de bouddhas, nous allons
procéder à l’écoute de cet enseignement sur les Bardos (états
intermédiaires).
Le Dharma,
c’est l’ensemble des méthodes qui permettent d’éradiquer tous les
facteurs perturbateurs ou kleshas. Si, par l’écoute de l’enseignement,
plutôt que de dissiper, d’affaiblir, d’éliminer progressivement tous les
kleshas, il s’avérait qu’ils ne faisaient que croître, c’est que notre
étude, notre écoute du Dharma,
de la Voie Spirituelle ne serait pas correcte. De toute façon, que nous
soyons bouddhistes ou non, que nous prétendions être bouddhistes, que
nous adhérions ou pas à un autre système spirituel ou philosophique,
finalement, quel est l’intérêt d’écouter l’enseignement si ce n’est de
progressivement s’engager dans l’affaiblissement puis l’éradication
totale et définitive de tous les kleshas, ces poisons de l’esprit ?
Notre esprit est un peu semblable aux giboulées de
printemps. Très vite il peut s’assombrir, être parcouru de pensées
négatives, être affaibli, attristé, soumis aux facteurs perturbateurs. A
d’autres moments, à la faveur d’autres circonstances tout à fait
provisoires, il peut au contraire connaître un certain répit, une
certaine paix, un certain bonheur, une certaine aise : le bonheur
apparaît à certains moments et disparaît à d’autres moments pour laisser
place à la souffrance. Telle est notre situation actuelle, pareille à
certaines saisons où nous voyons très vite succéder un peu de soleil, un
peu de pluie et ainsi de suite.
Si nous n’avons aucun contrôle sur cela, aucune liberté
par rapport à ces phénomènes, c’est que notre esprit est soumis aux
poisons de l’esprit, c’est-à-dire aux facteurs perturbateurs, les
kleshas. C’est parce qu’ils sont présents et qu’ils nous dominent en
quelque sorte, que nous ne pouvons pas avoir une quelconque maîtrise sur
ces états de conscience d’esprit soit positif, soit négatif.
Donc, ce à quoi il faudrait arriver, c’est à une
certaine égalité d’esprit, un état d’esprit qui désormais ne serait plus
soumis à des fluctuations brusques et soudaines comme ces nuages dans
le ciel. Et pour accéder à de telles méthodes, il faut s’en référer à un
guide spirituel. C’est lui-même qui arrivera à instruire le disciple en
les méthodes qui permettent d’arriver à une certaine stabilité ou
pacification de l’esprit. Et c’est en s’appliquant à pratiquer ce qui
lui aura été enseigné que le disciple pourra obtenir un tel fruit.
Nous pouvons dire que, de par le monde, dans notre
univers, il existe beaucoup de sortes de maîtres, des maîtres
bouddhistes, des maîtres non bouddhistes, des maîtres dans toute sorte
de disciplines. Quel est le but des enseignements que prodiguent tous
ces maîtres si ce n’est d’arriver à établir dans notre esprit une
certaine sérénité ? Si nous les suivons, si nous appliquons correctement
leurs instructions –lorsque bien sûr elles sont valables – nous
atteindrons un tel but.
De par le passé des maîtres ont pu appliquer,
expérimenter de telles instructions, en obtenir le fruit et finalement
les transcrire pour en faire des textes auxquels nous pouvons nous
référer aujourd’hui.
Le Bardo du Rêve
Dans cette étude des Six Bardos ou états intermédiaires, nous en sommes au Bardo du Rêve.
Le rêve, c’est à proprement parler l’illusion, l’erreur,
la méprise. En fait, nous n’avons pas de liberté par rapport à l’état
de rêve, il arrive sans que nous puissions le contrôler. Il vient, il
apparaît, même si nous ne voulons pas. Et, de même, nous en sortons sans
contrôle non plus. Pour obtenir la maîtrise de ce Bardo du Rêve, de cet
état intermédiaire, il faut apprendre les méthodes adéquates.
D’abord assimiler le Bardo naturel de cette vie cette
pour comprendre le Bardo du Rêve
Si nous arrivons à bien assimiler ce qu’est ce Bardo naturel de cette
vie, il sera tout à fait possible d’assimiler aussi ce qu’est la nature
du Bardo du Rêve.
Il y a 3 étapes :
1. la reconnaissance de ce qu’est le Bardo du Rêve.
2. la transformation du Bardo du Rêve,
3. la dernière étape.
Aujourd’hui, nous allons parler de la première étape.
Actuellement, quand nous sommes dans l’état de Rêve,
nous n’avons pas conscience que nous rêvons, nous sommes un peu comme
illusionnés, trompés par cet état et nous ne savons pas que nous rêvons.
Il convient préalablement d’identifier que notre esprit se trouve en
état de rêve.
Nous avons bien dit que pour comprendre ce que
constituait le Bardo du Rêve, il fallait avoir préalablement bien
assimilé la nature véritable du Bardo naturel de cette vie. Or si nous
comprenons que cet état du Bardo de cette vie n’est en lui-même qu’une
fabrication mentale, quelque chose qui n’a pas de fondement véritable,
intrinsèque, nous arriverons encore plus facilement à identifier le
Bardo du Rêve comme étant de cette nature illusoire aussi.
Si par notre pratique nous arrivons à voir que notre
expérience du monde est semblable à l’état de rêve, nous percevrons
encore plus facilement l’état de rêve pour ce qu’il est, et n’en serons
plus dupes.
Si nous arrivons à bien comprendre par la pratique cette
véritable nature, viendra infailliblement le moment où cela deviendra
une évidence pour nous. La bonne compréhension du Bardo naturel de cette
vie fera percevoir que tous les domaines de l’existence conditionnée,
tous les domaines du monde, du périssable, de l’éphémère, sont
semblables à un rêve, une illusion. Sur cette base-là, nous pourrons
encore plus facilement comprendre que toutes les apparences, y compris
celle du rêve, sont trompeuses. Dès lors qu’une telle compréhension naît
en notre esprit, si nous arrivons à la saisir, s’y appliquer, la
répéter, la reproduire, elle deviendra en quelque sorte quasi
automatique.
Par exemple, ce soir nous sommes réunis dans cette
pièce. Vous, vous êtes là, vous écoutez, moi j’enseigne, et le
traducteur traduit. Si nous arrivions à percevoir que même cette
situation présente est un peu comme un rêve, comme quelque chose qui n’a
pas d’essence très concrète, tangible, puis, que les perceptions du
jour et celles de la nuit sont de même nature, ce serait extrêmement
bénéfique. Il n’y a aucune différence quant à la nature des perceptions
que nous pourrions avoir dans l’état de veille –pendant la journée – et
celles de la nuit.
Par assimilation, petit à petit, nous comprendrons
notamment que la souffrance n’a pas de fondement, de nature véritable,
fondamentalement établie. Actuellement nous faisons une forte expérience
du bonheur et de la souffrance – et plus particulièrement, ce qui est
plus dérangeant – de la souffrance, parce que nous saisissons fortement
ces expériences. Nous leurs donnons un caractère véritable, intrinsèque.
Si nous arrivons à en percevoir le caractère inessentiel, vide de
substance, cette souffrance aura moins prise sur nous. Puis elle n’aura
plus de prise sur nous ; nous en serons en quelque sorte délivrés.
Parfois nous avons des rêves agréables, d’autres fois
des cauchemars. Mais les rêves agréables, nous ne les reconnaissons pas
comme non établis fondamentalement, dénués de nature véritable, et donc
comme …des rêves.
Quant aux expériences négatives ou déplaisantes, il
pourrait se faire que certains d’entre nous et dans certaines occasions,
nous ayons la conscience, alors même que nous rêvons, que les
expériences n’ont pas de fondement et que nous arrivions à prendre de la
distance par rapport à ces rêves qui pourraient susciter en nous de
très grandes peurs. Il peut se faire, alors que même quand nous rêvons,
que nous arrivions à nous distancier par rapport à l’expérience et à la
prendre comme quelque chose qui n’a pas de fondement. Cela est quelque
chose de bien que nous devons cultiver et renforcer encore. Si lors d’un
d’un cauchemar effrayant nous arrivons à avoir un éclair de lucidité et
à nous dire qu’au fond, ce n’est qu’un rêve qui n’a pas de réalité,
nous arriverons petit à petit à assimiler toute l’expérience de rêve et
son contenu – positif ou négatif – comme étant illusoire. Nous nous
dirons que ce n’est qu’un rêve et que nous n’avons pas de raison d’avoir
peur. Cette attitude sera extrêmement fructueuse, bénéfique et utile
lorsque nous serons confrontés au Bardo de la Dharmata et que
s’élèveront en nous les visions des déités paisibles et courroucées.
Arrivant à les percevoir pour ce qu’elles sont – des rêves, des
illusions – nous ne serons en rien effrayés par les aspects paisibles ou
extrêmement inquiétants qui pourraient s’élever dans notre esprit.
Il est dit qu’au Tibet de nombreux maîtres, de nombreux
moines ont fait beaucoup de retraites au cours desquelles ils se sont
entraînés à reconnaître la nature illusoire du Bardo du rêve et que,
pour cela, ils se sont bien évidemment appuyés sur les instructions qui
leur ont été données. Cela fait même l’objet de retraites intensives.
Comment se déroulent ces retraites au cours desquelles
nous nous employons à reconnaître la nature illusoire du rêve et à le
renvoyer à ce qu’il est, à son caractère non substantiel ? Quelles sont
les méthodes utilisées ?
Au Tibet, il n’y a pas d’électricité : on s’éclaire à la
bougie, des lampes à beurre. Avec sept lampes à beurre, nous avons
assez de lumière pour faire ce que nous avons à faire. Avec seulement
trois lampes à beurre, nous n’arrivons pas à dormir. Donc, il suffit de
réduire la lumière pour qu’ensuite quelqu’un qui n’est pas entraîné, la
nuit, s’endorme très rapidement. Au cours de ces retraites, le maître
allume un nombre de lampes qui au départ, empêchent son disciple de
dormir, et réduit ensuite la lumière de manière à ce que le disciple
sans entraînement s’endorme. Et ce qui se passe immanquablement, c’est
que la personne rêve. Au bout d’un certain temps, elle se réveille ou on
la réveille, et on lui pose la question : « As-tu rêvé ? » - « Oui ! » -
mais la personne n’a pas réussi au début à avoir la maîtrise de ce
rêve. Elle n’a pas reconnu qu’elle rêvait et son maître lui dit qu’elle
doit identifier le rêve pour ce qu’il est. Et ainsi de suite. Il y a
tout un processus d’apprentissage où la personne se rendort et à nouveau
on présente l’identification nécessaire : « A-t-elle eu lieu ou
non ? ». A nouveau l’instruction est donnée : au disciple de bien
prendre conscience de la nature illusoire du rêve qui va se produire
quand il va se rendormir.
Bien sûr les personnes qui auraient accepté de s’engager
dans de telles pratiques – être réveillées à intervalle régulier – au
début, sont contentes et adhèrent à l’expérience. Mais très vite, il se
pourrait qu’elles se mettent en colère et qu’elles disent : « Arrêtez de
me réveiller, laissez moi dormir ! » ; le but ne serait pas atteint. Si
nous interrompons le rêve, il est probable qu’un certain nombre
d’entre-nous ne seraient pas content au bout d’un certain temps… Je
plaisante.
Si nous avons de la foi et de la dévotion, non seulement
nous ne nous mettrons pas en colère, mais nous nous appliquerons aux
instructions du maître. Sans une foi suffisante, la dévotion et le
respect, il est à craindre que nous nous mettions en colère s’il nous
empêche de dormir. La dévotion, la foi, le respect à l’égard du maître,
la vénération, sont des qualités qui ne s’établissent pas facilement.
Certaines personnes l’ont, certes, déjà un peu rapidement, facilement,
mais pour d’autres il leur faut des raisons. Et il est préférable
d’établir cette foi, cette dévotion sur la base de raisons et de
connaître ces raisons pour lesquelles le maître est un être supérieur,
vis-à-vis duquel nous devons nourrir un profond respect, une profonde
dévotion. Il est certain qu’alors même que le maître vous réveille et
que vous auriez aimé continuer à dormir, non seulement vous ne vous
mettrez pas en colère, mais vous serez peut-être même content.
Cet entraînement doit être progressif et dépasser
largement l’état de rêve pour permettre de comprendre qu’aucune activité
n’a de fondement véritable, qu’elle est semblable à un rêve, sans
nature intrinsèque. D’arriver à voir que lorsque nous allons, venons,
nous nous asseyons, nous nous levons, mangeons, dormons, le jour, la
nuit, tout ceci est de la même nature. Et progressivement, nous
arriverons, par une perception de cette nature, à saisir que l’état de
rêve est rêve, qu’on rêve et que ce n’est pas une réalité.
Finalement, il ne faut pas s’inquiéter. Si nous arrivons
à identifier cet état de rêve pour ce qu’il est, au moment où nous
rêvons, non comme quelque chose de véritablement établi, non comme une
expérience de l’état de veille, mais vraiment comme un rêve et qu’il n’y
a rien à craindre. Ensuite, dans la journée, quand nous nous engageons
dans le travail qui permet de gagner notre vie, nous pourrons le voir de
la même manière, ainsi que toute chose par la suite. Mais de toute
façon, bien évidemment, il faut travailler, et si nous en venions à nous
dire : « C’est un rêve, donc je ne travaille plus. » - ce serait
embêtant. Nous ne pourrions plus manger. Pour vivre il faut bien
travailler, il faut bien des sous ! Si nous étions au Tibet, c’est
différent vous trouvez bien quelqu’un qui vous invite et vous donne de
quoi manger, mais ici il n’en est pas de même.
Une bonne manière de faire serait de consacrer la moitié
du temps à la pratique spirituelle et la moitié du temps au travail.
Pendant la pratique, nous nous entraînerions à bien comprendre que toute
expérience est de la nature du rêve, et pendant le travail, nous
verrions que cette période là est de la même nature, semblable à un
rêve. Et aussi, quand bien même vous gagneriez beaucoup d’argent à
travailler, vous considèreriez cet argent de la nature du rêve, comme
n’ayant pas de fondement. Il n’y a pas de quoi en faire une montagne.
Essayez maintenant d’avoir comme unique pensée que toute
cette expérience présente est de la nature du rêve et n’a pas de
réalité.
Source:http://www.dzogchenpa.net/spip.php?article205
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