Préserver l'héritage
La responsabilité de préserver un indispensable héritageChögyam Trungpa fut un maître hors du commun car il est d’abord un penseur.
Peut-être le seul penseur bouddhiste au XXe siècle.
Il existe de nombreux maîtres importants, mais aucun n’a fait l’effort que fit Chögyam Trungpa de tout risquer, de tout remettre en question pour mieux comprendre le sens de sa tradition et savoir la transmettre dans sa quintessence la plus vivante.
Lire une ligne de lui, c’est le reconnaître. Son style est tellement unique.
Il a enseigné des milliers de fois — sans jamais se répéter.
Son œuvre en anglais, comporte pour l’heure huit volumes de cinq à six cents pages.
Et ce n’est que la face visible d’un immense iceberg.
De toute son œuvre quelques points saillants méritent qu’on leur soit fidèle. Tel est en tout cas l’engagement de Fabrice Midal, et avec lui de Prajña & Philia.
1. La beauté est le seul l’espace où le dharma peut irradierAu nom de l’efficacité à tout prix, du souci acharné de rendement, « la dépression » des hommes et des femmes est sans cesse renforcée, toute célébration de la beauté est sacrifiée.
L’homme perd confiance en sa dignité.
Chögyam Trungpa s’est engagé dans l’art.
Ce n’était pas en raison d’un goût particulier, une simple prédisposition heureuse, mais une réponse particulièrement pertinente à la vérité de notre temps.
Chögyam Trungpa chercha, à plusieurs reprises, à faire des films.
Le principal qu’il ait pu réaliser, A la découverte de l’Elégance, ne porte pas sur un point de doctrine, sur un rituel bouddhique, mais sur la manière de faire jaillir l’élégance dans notre vie.
Comment mieux témoigner que là résidait un des points essentiels de son enseignement ?
Tout ce qu’il faisait, sa manière d’enseigner, les expositions qu’il conçut et plus largement son souci d’un environnement poétique, visait à révéler sur le champ l’élégance des êtres et des situations.
Impossible sans cela d’entendre le dharma.
Notre temps est marqué par la haine de la poésie. Chögyam Trungpa le savait.
La provocation de son enseignement réside d’abord dans son engagement pour nous faire entendre la poésie — non comme un supplément d’âme accessoire, mais comme l’espace même où notre existence peut se déployer.
La poésie ne consiste pas à donner droit à notre égocentrisme, mais à s’ancrer dans la tradition la plus saine de notre propre pays et y voir des chemins de dignité.
Saluer la magie de l’instant présent en tant qu’il nous ouvre un espace habitable.
Chögyam Trungpa n’est pas tant, en ce dessein, l’artiste d’une œuvre particulière que celui qui nous apprend à devenir l’artiste de chaque moment de notre existence, à donner à l’art sa vraie place, c'est-à-dire toute la place.
Car la poésie ne doit pas être faite pas quelques-uns, mais par tous — selon la célèbre parole de Lautréamont.
2. La pratique de la méditation ne peut avoir aucun but sans se nier elle-mêmePrésenter la pratique de la méditation pour diminuer le stress, être plus calme, un meilleur amant, ou gérer plus efficacement ses affaires, n’a rien à voir avec l’invitation révolutionnaire qui fut celle du Bouddha et que Chögyam Trungpa a transmise à l’Occident.
Toute promesse faite au nom du dharma l’émousse — quand il ne le souille pas.
Le bouddhisme n’est aujourd’hui bien souvent présenté que comme une sorte de tisane ou de calmant.
Un moralisme bon teint, n’engageant à rien. Il est ainsi trahi.
Chögyam Trungpa a très tôt dénoncé, et avec quelle férocité, cette spiritualité vague et confuse, cette spiritualité de pacotille, qui, en prétendant assurer notre bonheur, nous enferme toujours plus terriblement dans les rets de l’ego.
Il ne cessa d’insister sur le fait que la pratique de la méditation est cet espace de gratuité où apprendre à demeurer authentiquement dans la nudité du cœur ouvert et où s’ouvrir à la grâce.
Vouloir œuvrer à notre bien-être, le chercher dans tout ce que nous faisons est le mouvement même du matérialisme.
Lorsque la spiritualité est restreinte à un tel rôle, elle participe du matérialisme spirituel.
Il est faux et dangereux de prétendre que par là les êtres humains pourront un jour s’élever jusqu’à la vraie spiritualité. Car par là ils ne pourront jamais s’ouvrir à l’inconnu au cœur du réel et abandonner la crispation égocentrique qui crée souffrance, haine et violence.
Le Pape Benoît XVI fait à présent ce même constat : « Le tentateur n’a pas la grossièreté de nous inciter directement à adorer le diable. Il nous incite seulement à choisir ce qui est rationnel, à donner la priorité à un monde planifié et organisé, où Dieu en tant que question privée peut avoir une place, sans avoir pourtant le droit de se mêler de nos affaires essentielles. Soloviev attribue un livre à l’Antechrist, Le chemin public vers la paix et le bien-être du monde, livre qui devient pour ainsi dire la nouvelle Bible dont le contenu véritable est l’adoration du bien-être et de la planification raisonnable. »
Quel enseignant bouddhiste ose aujourd’hui tenir de tels propos et rappeler que le sens de la méditation est de nous faire échapper à tout encadrement et de tout abandonner ?
C’est pourtant à ce prix, et à ce prix seulement, que le bouddhisme restera une voie spirituelle, une voie mystique et non une thérapeutique médiocre que l’on consomme et qui nous consume.
3. La liberté est le cœur du chemin spirituelLes centres de méditation deviennent souvent des lieux d’endoctrinement où le sentiment d’appartenance à une collectivité et à son projet prend le pas sur l’aspiration spirituelle authentique.
Même si la motivation de départ de ceux qui s’y engagent et de ceux qui le dirigent peut être juste — sauvegarder et diffuser l’enseignement —, elle est défigurée en cours de route.
La nécessité économique, les enjeux de pouvoir, le souci de croître en sont la cause.
Si bien que les centres ressemblent aux Partis politiques décrits par la philosophe Simone Weil : « Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres. »
Le mobile de la pensée n’est plus alors « le désir inconditionné, non défini, de la vérité, mais le désir de conformité avec un enseignement établi d’avance. »
Et, en effet, règne trop souvent dans les centres bouddhistes un ensemble de vérités « religieuses » qu’il est interdit de questionner.
Un exemple : par un étrange et pervers retournement, l’enseignement sur la nécessité d’un maître spirituel, sur lequel revient souvent Chögyam Trungpa, est utilisé pour contraindre l’intelligence et le sentiment.
Contrairement à ce qui est inféré, le rapport au maître n’est pas une obligation — qui vous permettrait de faire partie du groupe et de cheminer spirituellement — mais il est un geste d’amour gratuit.
Le rapport du disciple pour son maître repose d’abord sur le sentiment indéfectible d’être aimé par lui sans aucune question possible, d’une manière qui dépasse tout ce qui est concevable, d’un amour qui ouvre le monde à neuf, dans sa dimension sacrée.
Prétendre, parce qu’un tel a été reconnu officiellement comme une « incarnation » importante qu’il doit devenir votre maître, que vous lui devez dévotion et obéissance — voilà qui n’est pas raisonnable. C’est confondre la féodalité et la spiritualité.
Quiconque affirme avoir un maître sans se sentir aimé de manière indiscutable, personnelle, et sans voir se déchirer le voile de ses peurs et de ses hésitations se fourvoie.
4. L'enseignement spirituel est toujours une provocationOn ne peut pas lire un livre de Chögyam Trungpa, le voir en vidéo, pratiquer en suivant à la lettre ses instructions sans être, à un moment ou à un autre, effrayé, dans un état de panique.
Sa parole ne laisse pas à l’abri.
Le dharma dénude au point le plus douloureux de notre propre hypocrisie.
De notre mensonge.
On se rend compte alors que ce n’est pas la vie de Chögyam Trungpa — que ce soit par exemple son rapport intense à l’alcool, au sexe ou son goût pour les formes militaires — qui choque, irrite, mais son impitoyable fidélité au dharma.
Toute évocation de l’œuvre de Chögyam Trungpa qui prétend faire l’économie de cet état est une imposture.
Toute présentation conventionnelle du dharma tue le dharma. Parce que le dharma n’est pas conventionnel.
Or, aujourd’hui le dharma est présenté comme une méthode permettant de rendre sa vie plus confortable.
On prétend qu’il faut faire avec les besoins concrets des gens, qu’une parole spirituelle est élitiste, qu’il ne faut pas l’être, que les gens ne sont pas dignes d’un tel enseignement et qu’il faut leur donner ce qu’ils veulent.
Chögyam Trungpa n’a pas accepté l’isolement intense qui fut le sien en Angleterre, où il était privé de tout appui et de tout compagnon, il n’a pas renoncé à tout, il n’a pas affronté les démons de notre temps avec un courage extrême, pour simplement permettre de lubrifier un peu mieux le samsara.
Il a proclamé une parole qui accepte d’être au plus près de la vérité. C’est ainsi qu’il a introduit le dharma en Occident.
Etre fidèle à Chögyam Trungpa, c’est avant toute autre chose, le suivre sur ces quatre engagements qui sont autant de façon de faire confiance à la noblesse du cœur humain.
Source : cliquer sur ce lien
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