Verdict d’Oxfam France sur le plan d’action du G20 agricole
le 23 juin 2011
Pour Oxfam France, l’approche du G20 qui s’apparente plutôt à un cataplasme sur une jambe de bois est très loin de la chirurgie massive vraiment nécessaire pour s’attaquer à la crise alimentaire.
Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy avaient annoncé que le G20 agricole produirait un accord ambitieux sinon rien. Force est de constater que le G20 agricole, sous présidence française, a choisi une troisième voie, celle d’un accord qui ne répond pas de manière globale aux causes de la volatilité des prix alimentaires dans le monde.
Pour Jean-Cyril Dagorn, d’Oxfam France :
"Placer la crise mondiale des prix alimentaires en haut de l’agenda politique du G20 était une bonne initiative. Malheureusement, les espoirs de voir les leaders politique s’emparer de la question de la crise alimentaire ont été déçus à Paris aujourd’hui."
"Réparer le système alimentaire mondial et mettre un terme à la crise des prix alimentaires nécessite une intervention chirurgicale majeure mais le G20 ne propose guère plus qu’un cataplasme sur une jambe de bois. Les Ministres de l’Agriculture s’étaient mis d’accord pour s’attaquer à certains effets des prix élevés et volatiles, mais ils n’ont même pas réussi à introduire les mesures nécessaires pour empêcher l’envolée des prix hors de tout contrôle."
"Croiser les doigts et espérer que la crise finira par disparaître n’est tout simplement pas suffisant quand des millions de personnes souffrent de la faim en raison des prix alimentaires élevés et volatiles. C’est uniquement en s’attaquant de front aux problèmes qu’il sera possible de la résoudre notamment, par une réforme des politiques erronées en matière d’agrocarburants qui détournent les aliments au profit des moteurs et en aidant les pays pauvres à constituer des stocks pour faire face aux extrêmes de la volatilité des prix alimentaires."
"Le G20 agricole n’est pas le bout du chemin. Le G20 Finance qui se réunira en juillet peut encore s’attaquer à la spéculation. Les chefs d’Etat du G20 ont eux même encore la possibilité de joindre les actes à la parole en décidant d’une véritable action lors du sommet de novembre à Cannes. Enfin, le Comité sur la sécurité alimentaire, le seul organisme véritablement missionné au niveau mondial pour lutter contre la faim, se réunira en octobre à Rome. Les gouvernements doivent saisir ces opportunités pour mettre fin à la crise mondiale des prix alimentaires."
La Banque mondiale estime que 44 millions de personnes sont passés en dessous du seuil de pauvreté au cours du deuxième semestre 2010 à cause des prix alimentaires volatiles et élevés. Les recherches menées par Oxfam pour la campagne CULTIVONS montrent que le prix des denrées alimentaires de base telles que le maïs pourrait doubler sur les 20 prochaines années, notamment à cause du changement climatique.
Agrocarburants - Verdict : mauvais
On espérait que les ministres s’attaquent aux réglementations erronées sur les agrocarburants à la suite des appels à passer à l’action de la FAO, la Banque mondiale, le FMI et d’autres organisations internationales. Pourtant, alors que les ministres se sont entendus pour analyser les liens existants entre la production d’agrocarburants et la volatilité des prix alimentaires, ils n’ont pas été capables d’adopter une quelconque mesure concrète visant à réformer les réglementations sur les agrocarburants ou ajuster les objectifs de production quand l’offre alimentaire est menacée. Les Etats-Unis, le Brésil, le Canada et la France figurent parmi les pays suspectés d’avoir bloqué toute avancée en la matière. En 2010, alors qu’une seconde crise alimentaire en 3 ans débutait, environ 40% du maïs américain a été destiné à la production d’éthanol plutôt qu’à l’alimentation du fait des lois du gouvernement américain sur les agrocarburants.
Réserves alimentaires - Verdict : mauvais
Les ministres de l’agriculture se sont mis d’accord pour augmenter les réserves alimentaires d’urgence qui permettent de nourrir les populations en cas de crise. Un petit premier pas positif, qui ne règle toutefois pas le problème. En effet, une telle approche se concentre sur l’impact et les conséquences de la volatilité des prix sans s’attaquer aux causes de cette dernière. Les ministres du G20 n’ont pas réussi à reconnaitre que les réserves stratégiques ou stocks de régulation ont également un rôle déterminant à jouer pour aider les pays pauvres à faire face à l’extrême volatilité des prix. Le stockage de 105 millions de tonnes supplémentaires de céréales aurait été suffisant pour éviter la crise des prix alimentaires en 2007-2008 ; le coût de cette opération aurait été de 1,5 milliard de dollars, soit 10 dollars pour chacune des 150 millions de personnes qui ont rejoint les rangs des affamés suite à la dernière flambée des prix alimentaires.
Spéculation - Verdict : sujet non traité
C’est la priorité absolue de la présidence française. Les ministres de l’agriculture du G20 se sont mis d’accord pour examiner les liens entre la spéculation et la volatilité des prix alimentaires et d’étudier les mécanismes pour réguler la spéculation excessive sur les marchés des matières premières. Ce sont les ministres des finances qui reprendront le sujet lors de leur rencontre en juillet prochain.
Transparence - Verdict : passable
Comme prévu, les ministres de l’agriculture se sont entendus pour créer un système qui fournira des informations sur la production agricole et les stocks alimentaires des différents pays. Cela aidera à s’assurer que les Etats et la communauté internationale disposent d’une partie des informations nécessaires pour analyser la situation alimentaire mondiale et prendre des mesures pour éviter les crises. Malheureusement, les ministres ne sont pas allés jusqu’à exiger des grandes entreprises agroalimentaires – qui dominent le commerce de nombreuses denrées alimentaires – qu’elles dévoilent les informations sur les stocks qu’elles détiennent. On estime ainsi que les seuls Cargill, Bunge et ADM contrôlent près de 90 % du commerce mondial des céréales.
Mécanismes d’assurance - Verdict : mauvais
La France a poussé pour des solutions d’instruments de couverture par le marché qui permettraient aux pays vulnérables de s’assurer contre des chocs de prix dans le futur. Mais il est peu probable que ces propositions aient des résultats positifs sans prendre en compte les causes de la volatilité. Sans action pour réguler et augmenter la transparence sur les marchés à terme et des matières premières mondiaux, les mesures proposées bénéficieront probablement plus aux institutions financières qui fourniront les assurances qu’aux pays en situation d’insécurité alimentaire qui les achètent. De plus, les petits exploitants les plus pauvres n’auront pas accès à ces mécanismes. Pour Oxfam, le G20 devrait concentrer ses ressources sur d’autres outils pour gérer les risques, tels que les stocks de régulation.
Investissements dans l’agriculture - Verdict : échec
Si les ministres de l’agriculture ont reconnu que davantage d’investissements étaient nécessaires dans le secteur de l’agriculture, ils se sont toutefois concentrés sur le soutien aux investissements privés plutôt que sur des mesures concrètes permettant de renforcer les petits producteurs des pays en développement. Ces derniers offrent pourtant le potentiel le plus important d’augmentation des rendements agricoles mondiaux pour nourrir les populations souffrant de la faim. En soutenant les agricultrices les plus modestes, on pourrait augmenter les rendements agricoles des pays en développement de 2,5 à 4%.
Changement climatique - Verdict : échec
Les pays riches ne sont pas parvenus à reconnaître que le changement climatique est à l’origine de la volatilité des prix alimentaires. On estime pourtant que le changement climatique a augmenté les dépenses alimentaires de 50 milliards de dollars par an.
Contact presse
Magali Rubino : 01 56 98 24 45 / 06 30 46 66 04 / mrubino@oxfamfrance.org
le 23 juin 2011
Pour Oxfam France, l’approche du G20 qui s’apparente plutôt à un cataplasme sur une jambe de bois est très loin de la chirurgie massive vraiment nécessaire pour s’attaquer à la crise alimentaire.
Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy avaient annoncé que le G20 agricole produirait un accord ambitieux sinon rien. Force est de constater que le G20 agricole, sous présidence française, a choisi une troisième voie, celle d’un accord qui ne répond pas de manière globale aux causes de la volatilité des prix alimentaires dans le monde.
Pour Jean-Cyril Dagorn, d’Oxfam France :
"Placer la crise mondiale des prix alimentaires en haut de l’agenda politique du G20 était une bonne initiative. Malheureusement, les espoirs de voir les leaders politique s’emparer de la question de la crise alimentaire ont été déçus à Paris aujourd’hui."
"Réparer le système alimentaire mondial et mettre un terme à la crise des prix alimentaires nécessite une intervention chirurgicale majeure mais le G20 ne propose guère plus qu’un cataplasme sur une jambe de bois. Les Ministres de l’Agriculture s’étaient mis d’accord pour s’attaquer à certains effets des prix élevés et volatiles, mais ils n’ont même pas réussi à introduire les mesures nécessaires pour empêcher l’envolée des prix hors de tout contrôle."
"Croiser les doigts et espérer que la crise finira par disparaître n’est tout simplement pas suffisant quand des millions de personnes souffrent de la faim en raison des prix alimentaires élevés et volatiles. C’est uniquement en s’attaquant de front aux problèmes qu’il sera possible de la résoudre notamment, par une réforme des politiques erronées en matière d’agrocarburants qui détournent les aliments au profit des moteurs et en aidant les pays pauvres à constituer des stocks pour faire face aux extrêmes de la volatilité des prix alimentaires."
"Le G20 agricole n’est pas le bout du chemin. Le G20 Finance qui se réunira en juillet peut encore s’attaquer à la spéculation. Les chefs d’Etat du G20 ont eux même encore la possibilité de joindre les actes à la parole en décidant d’une véritable action lors du sommet de novembre à Cannes. Enfin, le Comité sur la sécurité alimentaire, le seul organisme véritablement missionné au niveau mondial pour lutter contre la faim, se réunira en octobre à Rome. Les gouvernements doivent saisir ces opportunités pour mettre fin à la crise mondiale des prix alimentaires."
La Banque mondiale estime que 44 millions de personnes sont passés en dessous du seuil de pauvreté au cours du deuxième semestre 2010 à cause des prix alimentaires volatiles et élevés. Les recherches menées par Oxfam pour la campagne CULTIVONS montrent que le prix des denrées alimentaires de base telles que le maïs pourrait doubler sur les 20 prochaines années, notamment à cause du changement climatique.
Agrocarburants - Verdict : mauvais
On espérait que les ministres s’attaquent aux réglementations erronées sur les agrocarburants à la suite des appels à passer à l’action de la FAO, la Banque mondiale, le FMI et d’autres organisations internationales. Pourtant, alors que les ministres se sont entendus pour analyser les liens existants entre la production d’agrocarburants et la volatilité des prix alimentaires, ils n’ont pas été capables d’adopter une quelconque mesure concrète visant à réformer les réglementations sur les agrocarburants ou ajuster les objectifs de production quand l’offre alimentaire est menacée. Les Etats-Unis, le Brésil, le Canada et la France figurent parmi les pays suspectés d’avoir bloqué toute avancée en la matière. En 2010, alors qu’une seconde crise alimentaire en 3 ans débutait, environ 40% du maïs américain a été destiné à la production d’éthanol plutôt qu’à l’alimentation du fait des lois du gouvernement américain sur les agrocarburants.
Réserves alimentaires - Verdict : mauvais
Les ministres de l’agriculture se sont mis d’accord pour augmenter les réserves alimentaires d’urgence qui permettent de nourrir les populations en cas de crise. Un petit premier pas positif, qui ne règle toutefois pas le problème. En effet, une telle approche se concentre sur l’impact et les conséquences de la volatilité des prix sans s’attaquer aux causes de cette dernière. Les ministres du G20 n’ont pas réussi à reconnaitre que les réserves stratégiques ou stocks de régulation ont également un rôle déterminant à jouer pour aider les pays pauvres à faire face à l’extrême volatilité des prix. Le stockage de 105 millions de tonnes supplémentaires de céréales aurait été suffisant pour éviter la crise des prix alimentaires en 2007-2008 ; le coût de cette opération aurait été de 1,5 milliard de dollars, soit 10 dollars pour chacune des 150 millions de personnes qui ont rejoint les rangs des affamés suite à la dernière flambée des prix alimentaires.
Spéculation - Verdict : sujet non traité
C’est la priorité absolue de la présidence française. Les ministres de l’agriculture du G20 se sont mis d’accord pour examiner les liens entre la spéculation et la volatilité des prix alimentaires et d’étudier les mécanismes pour réguler la spéculation excessive sur les marchés des matières premières. Ce sont les ministres des finances qui reprendront le sujet lors de leur rencontre en juillet prochain.
Transparence - Verdict : passable
Comme prévu, les ministres de l’agriculture se sont entendus pour créer un système qui fournira des informations sur la production agricole et les stocks alimentaires des différents pays. Cela aidera à s’assurer que les Etats et la communauté internationale disposent d’une partie des informations nécessaires pour analyser la situation alimentaire mondiale et prendre des mesures pour éviter les crises. Malheureusement, les ministres ne sont pas allés jusqu’à exiger des grandes entreprises agroalimentaires – qui dominent le commerce de nombreuses denrées alimentaires – qu’elles dévoilent les informations sur les stocks qu’elles détiennent. On estime ainsi que les seuls Cargill, Bunge et ADM contrôlent près de 90 % du commerce mondial des céréales.
Mécanismes d’assurance - Verdict : mauvais
La France a poussé pour des solutions d’instruments de couverture par le marché qui permettraient aux pays vulnérables de s’assurer contre des chocs de prix dans le futur. Mais il est peu probable que ces propositions aient des résultats positifs sans prendre en compte les causes de la volatilité. Sans action pour réguler et augmenter la transparence sur les marchés à terme et des matières premières mondiaux, les mesures proposées bénéficieront probablement plus aux institutions financières qui fourniront les assurances qu’aux pays en situation d’insécurité alimentaire qui les achètent. De plus, les petits exploitants les plus pauvres n’auront pas accès à ces mécanismes. Pour Oxfam, le G20 devrait concentrer ses ressources sur d’autres outils pour gérer les risques, tels que les stocks de régulation.
Investissements dans l’agriculture - Verdict : échec
Si les ministres de l’agriculture ont reconnu que davantage d’investissements étaient nécessaires dans le secteur de l’agriculture, ils se sont toutefois concentrés sur le soutien aux investissements privés plutôt que sur des mesures concrètes permettant de renforcer les petits producteurs des pays en développement. Ces derniers offrent pourtant le potentiel le plus important d’augmentation des rendements agricoles mondiaux pour nourrir les populations souffrant de la faim. En soutenant les agricultrices les plus modestes, on pourrait augmenter les rendements agricoles des pays en développement de 2,5 à 4%.
Changement climatique - Verdict : échec
Les pays riches ne sont pas parvenus à reconnaître que le changement climatique est à l’origine de la volatilité des prix alimentaires. On estime pourtant que le changement climatique a augmenté les dépenses alimentaires de 50 milliards de dollars par an.
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