Christophe André: Se parler à soi-même

L’autre jour, un artisan est venu effectuer une réparation chez nous. Après lui avoir expliqué les soucis, je le laisse travailler tranquillement, travaillant moi-même dans la pièce voisine. Et au bout d’un moment, je l’entends parler...
J’écoute plus attentivement : ce n’est pas une conversation téléphonique, il se parle simplement à lui-même, en commentant ce qu’il fait, ou va faire. J’ai souvent remarqué ce petit phénomène chez les artisans, les bricoleurs ou les jardiniers, travailleurs manuels : est-ce pour mieux rester concentrés ? Pour se sentir moins seuls ? Je ne leur ai jamais posé la question…
En tout cas, je me souviens que Platon faisait dire à Socrate, dans son dialogue du Théétète, que la pensée correspond à "une discussion que l'âme elle-même poursuit tout du long avec elle-même à propos des choses qu'il lui arrive d'examiner". Alors, rien d’illogique dans ce soliloque : certains humains ont pris l’habitude de se parler pour mieux penser, ou pour centrer et stabiliser leurs pensées. Un peu comme on peut écrire pour clarifier ses pensées (qui restent souvent floues tant qu’elles sont contenues dans notre seule cervelle).
Quoi qu’il en soit, depuis Platon, nous avons aussi pris la bonne habitude de compléter et d’enrichir la réflexion philosophique sur le fonctionnement de l’esprit par des recherches scientifiques. Ainsi, nous savons aujourd’hui que les « auto-verbalisations » ces paroles que nous nous adressons clairement et délibérément à nous-mêmes (que ce soit à voix haute, comme le monsieur de mon histoire, ou intérieurement, in petto) représentent une composante importante des mécanismes d’auto-régulation, autrement dit, de la manière dont nous nous organisons pour limiter l’impact du stress.
Et tout récemment, des chercheurs se sont aussi demandé si la manière dont nous nous parlons influence l’efficacité de cette régulation intérieure : par exemple, existe-t-il une différence entre le fait de se dire « je » (« je vais y arriver ») ou de se dire « tu » (« tu vas y arriver ») ?
Leur étude plaçait les volontaires (près de 600 au total) dans différentes situations qui provoquaient des activations émotionnelles (repenser à des mauvais moments de son existence, faire un exposé en public sans avoir le temps de le préparer, etc.). Et après tirage au sort, on recommandait à certains de traverser les situations soit en se disant « je » (« je me suis dit que je n’en suis pas capable… ») soit en se disant « tu » (« tu peux le faire ») ou en parlant à la troisième personne (« dans cette situation, il va se dire quoi, Christophe ? »).
Les résultats étaient nets : ne pas se dire « je » mais utiliser plutôt le « tu » ou même le « il ou elle » permettait davantage de recul, et une moindre élévation du stress, que ce soit avant, pendant ou après la situation émotionnellement remuante. Logique après tout : se dire « tu » c’est un peu comme avoir un ami dans sa tête qui examine avec nous la situation. Et se dire « il ou elle » c’est un peu comme coacher une tierce personne, dont on accompagne les difficultés mais sans être perturbé par les ressentis émotionnels.
Tout cela confirme comment de tout petits détails peuvent améliorer notre façon de traverser les difficultés.
Mais en vérité, ce qui m’a le plus amusé dans l’article, c’est l’anecdote par laquelle les auteurs commençaient, pour justifier leur curiosité et leur étude. C’était, à propos donc du fait de parler de soi à la troisième personne dans les situations compliquées, une anecdote concernant un célèbre basketteur américain, LeBron James.
Ce dernier, formé au sein du club de Cleveland, avait été courtisé par un autre club plus riche (Miami), et se demandait s’il devait quitter un club qui l’avait révélé et où il se sentait bien, pour aller chercher ailleurs plus d’argent ou un meilleur niveau de jeu : ce n’était pas si facile pour lui de trancher. Et voilà comment il racontait, lors d’une interview, sa manière à lui de faire : « Je ne voulais pas prendre ma décision sous le coup de l’émotion. Alors je me suis demandé ce qui serait bon pour LeBron James, et ce qui le rendrait plus heureux… »
A appliquer lors de nos prochains grands dilemmes existentiels ?
Illustration : un métier (disparu aujourd'hui) dans lequel on devait souvent se parler à soi-même : gardien de phare...

L’autre jour, un artisan est venu effectuer une réparation chez nous. Après lui avoir expliqué les soucis, je le laisse travailler tranquillement, travaillant moi-même dans la pièce voisine. Et au bout d’un moment, je l’entends parler...
J’écoute plus attentivement : ce n’est pas une conversation téléphonique, il se parle simplement à lui-même, en commentant ce qu’il fait, ou va faire. J’ai souvent remarqué ce petit phénomène chez les artisans, les bricoleurs ou les jardiniers, travailleurs manuels : est-ce pour mieux rester concentrés ? Pour se sentir moins seuls ? Je ne leur ai jamais posé la question…
En tout cas, je me souviens que Platon faisait dire à Socrate, dans son dialogue du Théétète, que la pensée correspond à "une discussion que l'âme elle-même poursuit tout du long avec elle-même à propos des choses qu'il lui arrive d'examiner". Alors, rien d’illogique dans ce soliloque : certains humains ont pris l’habitude de se parler pour mieux penser, ou pour centrer et stabiliser leurs pensées. Un peu comme on peut écrire pour clarifier ses pensées (qui restent souvent floues tant qu’elles sont contenues dans notre seule cervelle).
Quoi qu’il en soit, depuis Platon, nous avons aussi pris la bonne habitude de compléter et d’enrichir la réflexion philosophique sur le fonctionnement de l’esprit par des recherches scientifiques. Ainsi, nous savons aujourd’hui que les « auto-verbalisations » ces paroles que nous nous adressons clairement et délibérément à nous-mêmes (que ce soit à voix haute, comme le monsieur de mon histoire, ou intérieurement, in petto) représentent une composante importante des mécanismes d’auto-régulation, autrement dit, de la manière dont nous nous organisons pour limiter l’impact du stress.
Et tout récemment, des chercheurs se sont aussi demandé si la manière dont nous nous parlons influence l’efficacité de cette régulation intérieure : par exemple, existe-t-il une différence entre le fait de se dire « je » (« je vais y arriver ») ou de se dire « tu » (« tu vas y arriver ») ?
Leur étude plaçait les volontaires (près de 600 au total) dans différentes situations qui provoquaient des activations émotionnelles (repenser à des mauvais moments de son existence, faire un exposé en public sans avoir le temps de le préparer, etc.). Et après tirage au sort, on recommandait à certains de traverser les situations soit en se disant « je » (« je me suis dit que je n’en suis pas capable… ») soit en se disant « tu » (« tu peux le faire ») ou en parlant à la troisième personne (« dans cette situation, il va se dire quoi, Christophe ? »).
Les résultats étaient nets : ne pas se dire « je » mais utiliser plutôt le « tu » ou même le « il ou elle » permettait davantage de recul, et une moindre élévation du stress, que ce soit avant, pendant ou après la situation émotionnellement remuante. Logique après tout : se dire « tu » c’est un peu comme avoir un ami dans sa tête qui examine avec nous la situation. Et se dire « il ou elle » c’est un peu comme coacher une tierce personne, dont on accompagne les difficultés mais sans être perturbé par les ressentis émotionnels.
Tout cela confirme comment de tout petits détails peuvent améliorer notre façon de traverser les difficultés.
Mais en vérité, ce qui m’a le plus amusé dans l’article, c’est l’anecdote par laquelle les auteurs commençaient, pour justifier leur curiosité et leur étude. C’était, à propos donc du fait de parler de soi à la troisième personne dans les situations compliquées, une anecdote concernant un célèbre basketteur américain, LeBron James.
Ce dernier, formé au sein du club de Cleveland, avait été courtisé par un autre club plus riche (Miami), et se demandait s’il devait quitter un club qui l’avait révélé et où il se sentait bien, pour aller chercher ailleurs plus d’argent ou un meilleur niveau de jeu : ce n’était pas si facile pour lui de trancher. Et voilà comment il racontait, lors d’une interview, sa manière à lui de faire : « Je ne voulais pas prendre ma décision sous le coup de l’émotion. Alors je me suis demandé ce qui serait bon pour LeBron James, et ce qui le rendrait plus heureux… »
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