Jon Kabat-Zinn: "La pratique de la mindfulness unifie l’être en profondeur"
Alors que la pratique de la mindfulness essaime aux quatre coins de la planète - dans les hôpitaux, les écoles, les entreprises, ou encore les prisons -, son instigateur, Jon Kabat-Zinn, fondateur d’une clinique de réduction du stress, fera une venue remarquée à Bruxelles, le 28 septembre dans le cadre de la journée interdisciplinaire organisée par l'asbl Émergences . En avant-goût, il nous a accordé un long entretien exclusif... en pleine conscience.
Psychologies : Êtes-vous naturellement attentif au présent ou est-ce la mindfulness qui vous a permis de l’être ?
Jon Kabat-Zinn : Je crois que tout enfant est naturellement enraciné dans le présent. Cela disparaît peu à peu quand la pensée prend le dessus, et que notre rythme de vie s’emballe. Mais je ne suis pas venu à la mindfulness en raison du stress ou de la sensation que ma vie était « hors de contrôle ». J’étais plutôt guidé par l’intérêt profond de comprendre la nature de mon propre esprit. J’ai grandi entre un père scientifique et une mère artiste. Très jeune, j’étais déjà intéressé par ces différentes manières d’embrasser le monde. Quand j’ai découvert la méditation, à la vingtaine, j’ai immédiatement reconnu que cela permettait d’unir ces visions, au travers d’un art de vivre, de percevoir le monde et d’interagir avec lui de manière harmonieuse. J’ai réalisé que cela serait très utile pour faire face au stress de la vie courante ; à tout ce qui vient nous fragmenter. Car la pratique de la mindfulness vient unifier l’être en profondeur, dans la conscience profonde que tout est interdépendant. C’est une voie de reliance. De calme, aussi.
Quel a été votre chemin d’exploration de la méditation traditionnelle, venue nourrir l’approche de la mindfulness ?
J.K.-Z. : En 1966, à 22 ans, je suis entré dans une pratique formelle de la méditation par le biais de la tradition Zen japonaise, qui m’a mené ensuite au Zen coréen. L’essence du Zen est identique, et vient de Chine. Les racines sont le Chan, une forme de bouddhisme qui insiste particulièrement sur la méditation. J’ai rencontré de merveilleux Maîtres Chan et Maîtres Zen, et cela a eu une influence considérable sur ma vie. Ensuite, au début des seventies, j’ai pratiqué avec des Maîtres Vipassana d’origine américaine, qui avaient séjourné en Asie, comme Jack Kornfield. Dans la foulée, ils ont développé le Insight Meditation Center (Cambridge, Massachusetts), où j’ai effectué des retraites. Plus récemment, j’ai exploré un autre courant du bouddhisme, le Dzogchen, et j’ai pratiqué avec des Maîtres issus de cette lignée.
Ce sont là, de fait, les trois grands courants du bouddhisme...
J.K.-Z. : Absolument, et j’ai un profond respect pour tous. Ce que j’essaie de faire est de découvrir leur dénominateur commun et de le rendre accessible aux personnes qui jamais ne s’intéresseraient au bouddhisme ou à la méditation bouddhiste, mais qui souffrent énormément : du stress, de troubles physiques et psychiques, de maladie...
Quel est ce dénominateur commun ?
J.K.-Z. : De mon point de vue, c’est précisément la mindfulness, la pleine conscience. Et j’utilise ce mot dans un sens large. À travers cette approche méditative de la MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction) et de la MBCT (Mindfulness-Based Cognitive Therapy), nous introduisons les personnes à la pratique du dharma2, même si nous n’utilisons pas ce terme. La mindfulness permet d’ouvrir les personnes à une dimension non-duelle de leur être, du monde. C’est un moyen d’introduire ce que le Bouddha enseignait, dans un mode d’expression le plus universel possible. Soit la libération de la souffrance (souffrance ou insatisfaction nommée dukkha dans le bouddhisme), en lien avec la condition humaine. L’enseignement classique du bouddhisme étant complexe, il était important pour moi de mettre en avant une approche qui puisse nous toucher, que l’on soit bouddhiste ou non.
En quoi consiste le programme de réduction du stress basé sur la pleine conscience (MBSR) ?
J.K.-Z. : L’idée est de développer un programme au sein même de l’hôpital (véritable « aimant » à dukkha), pour les patients qui ne sont pas pleinement satisfaits des traitements habituels. Un entraînement intensif à la méditation bouddhiste... sans le bouddhisme (ce qui signifie avec le bouddhisme, puisque cette voie n’est pas dualistique !). Il ne s’agit pas pour autant de simplifier ou de tirer le dharma vers le bas, mais de le re-conceptualiser, de le recontextualiser, pour le rendre accessible aux personnes. Proposer ainsi quelque chose que les patients peuvent faire pour eux-mêmes - une sorte d’auto-éducation, en complément des traitements classiques. Ce programme, basé sur de la méditation, du yoga, de la relaxation, se déroule sur huit semaines et aide les patients à faire un travail sur eux-mêmes, sur leur esprit et sur leur relation à la souffrance. Ces programmes de réduction du stress ont à présent élargi leurs champs d’application pour venir en aide à d’autres catégories de population : dans les écoles, les entreprises, les prisons, les maisons de retraite, etc.
Psychologies magazine.
http://www.psychologiesmagazine.be/fr//Moi/Jon-Kabat-Zinn-La-pratique-de-la-mindfulness-unifie-l-etre-en-profondeur
Alors que la pratique de la mindfulness essaime aux quatre coins de la planète - dans les hôpitaux, les écoles, les entreprises, ou encore les prisons -, son instigateur, Jon Kabat-Zinn, fondateur d’une clinique de réduction du stress, fera une venue remarquée à Bruxelles, le 28 septembre dans le cadre de la journée interdisciplinaire organisée par l'asbl Émergences . En avant-goût, il nous a accordé un long entretien exclusif... en pleine conscience.
Psychologies : Êtes-vous naturellement attentif au présent ou est-ce la mindfulness qui vous a permis de l’être ?
Jon Kabat-Zinn : Je crois que tout enfant est naturellement enraciné dans le présent. Cela disparaît peu à peu quand la pensée prend le dessus, et que notre rythme de vie s’emballe. Mais je ne suis pas venu à la mindfulness en raison du stress ou de la sensation que ma vie était « hors de contrôle ». J’étais plutôt guidé par l’intérêt profond de comprendre la nature de mon propre esprit. J’ai grandi entre un père scientifique et une mère artiste. Très jeune, j’étais déjà intéressé par ces différentes manières d’embrasser le monde. Quand j’ai découvert la méditation, à la vingtaine, j’ai immédiatement reconnu que cela permettait d’unir ces visions, au travers d’un art de vivre, de percevoir le monde et d’interagir avec lui de manière harmonieuse. J’ai réalisé que cela serait très utile pour faire face au stress de la vie courante ; à tout ce qui vient nous fragmenter. Car la pratique de la mindfulness vient unifier l’être en profondeur, dans la conscience profonde que tout est interdépendant. C’est une voie de reliance. De calme, aussi.
Quel a été votre chemin d’exploration de la méditation traditionnelle, venue nourrir l’approche de la mindfulness ?
J.K.-Z. : En 1966, à 22 ans, je suis entré dans une pratique formelle de la méditation par le biais de la tradition Zen japonaise, qui m’a mené ensuite au Zen coréen. L’essence du Zen est identique, et vient de Chine. Les racines sont le Chan, une forme de bouddhisme qui insiste particulièrement sur la méditation. J’ai rencontré de merveilleux Maîtres Chan et Maîtres Zen, et cela a eu une influence considérable sur ma vie. Ensuite, au début des seventies, j’ai pratiqué avec des Maîtres Vipassana d’origine américaine, qui avaient séjourné en Asie, comme Jack Kornfield. Dans la foulée, ils ont développé le Insight Meditation Center (Cambridge, Massachusetts), où j’ai effectué des retraites. Plus récemment, j’ai exploré un autre courant du bouddhisme, le Dzogchen, et j’ai pratiqué avec des Maîtres issus de cette lignée.
Ce sont là, de fait, les trois grands courants du bouddhisme...
J.K.-Z. : Absolument, et j’ai un profond respect pour tous. Ce que j’essaie de faire est de découvrir leur dénominateur commun et de le rendre accessible aux personnes qui jamais ne s’intéresseraient au bouddhisme ou à la méditation bouddhiste, mais qui souffrent énormément : du stress, de troubles physiques et psychiques, de maladie...
Quel est ce dénominateur commun ?
J.K.-Z. : De mon point de vue, c’est précisément la mindfulness, la pleine conscience. Et j’utilise ce mot dans un sens large. À travers cette approche méditative de la MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction) et de la MBCT (Mindfulness-Based Cognitive Therapy), nous introduisons les personnes à la pratique du dharma2, même si nous n’utilisons pas ce terme. La mindfulness permet d’ouvrir les personnes à une dimension non-duelle de leur être, du monde. C’est un moyen d’introduire ce que le Bouddha enseignait, dans un mode d’expression le plus universel possible. Soit la libération de la souffrance (souffrance ou insatisfaction nommée dukkha dans le bouddhisme), en lien avec la condition humaine. L’enseignement classique du bouddhisme étant complexe, il était important pour moi de mettre en avant une approche qui puisse nous toucher, que l’on soit bouddhiste ou non.
En quoi consiste le programme de réduction du stress basé sur la pleine conscience (MBSR) ?
J.K.-Z. : L’idée est de développer un programme au sein même de l’hôpital (véritable « aimant » à dukkha), pour les patients qui ne sont pas pleinement satisfaits des traitements habituels. Un entraînement intensif à la méditation bouddhiste... sans le bouddhisme (ce qui signifie avec le bouddhisme, puisque cette voie n’est pas dualistique !). Il ne s’agit pas pour autant de simplifier ou de tirer le dharma vers le bas, mais de le re-conceptualiser, de le recontextualiser, pour le rendre accessible aux personnes. Proposer ainsi quelque chose que les patients peuvent faire pour eux-mêmes - une sorte d’auto-éducation, en complément des traitements classiques. Ce programme, basé sur de la méditation, du yoga, de la relaxation, se déroule sur huit semaines et aide les patients à faire un travail sur eux-mêmes, sur leur esprit et sur leur relation à la souffrance. Ces programmes de réduction du stress ont à présent élargi leurs champs d’application pour venir en aide à d’autres catégories de population : dans les écoles, les entreprises, les prisons, les maisons de retraite, etc.
Psychologies magazine.
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